Nouvelles appréciations sur La Vie crépusculaire de Pierre Perrin
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  • Deux avis sur La Vie crépusculaire
    — Gilles Compagnon — Michel Leuba —


    Gilles Compagnon, 18 avril 2018 [MP]

    La Vie crépusculaire

    Je viens d’acquérir La vie crépusculaire [le livre épuisé, car je l’ai déjà lu et fort apprécié sur ton site, avec les commentaires élogieux de la presse à sa sortie depuis sa parution]
    […] On vivait chichement entre poules, lapins, vaches, chèvres, cochons. On buvait le lait bourru, on avait un jardin et une maison avec l’eau au puits, dans la cour, sous l’if centenaire. On “faisait” nos portions de bois dans la forêt du coin. Tout ça pour dire que ton univers bien précis me parle au plus profond du coeur. Je suis en plein dedans. Ta Vie crépusculaire décrit avec une telle acuité et une intimité si forte. J’y retrouve des racines, de grandes similitudes. Les odeurs, les parfums, le labour, le fumier, tout me parle, oh combien ! La grande pièce, où tout le petit monde vivait, jouxtait le fenil où les chattes faisaient les petits. J’étais, paraît-il, capricieux. J’exigeais de prendre mes shampoings au dessus de la cuvette devant la cage des lapins. Une époque où je me sentais très seul, mais aussi très heureux malgré tout : on n’avait rien, mais on avait tout, parce qu’on ne se créait aucun besoin, on ignorait l’existence du superflu. Ma seule lecture avant d’aller à l’école était le dictionnaire avec les pages roses pour les locutions latines ! J’y copiais mes listes de “noms” d’oiseaux, de poissons, de mammifères, d’insectes, etc…
    Tu es un être assez exceptionnel dans ta profonde analyse de la langue française, mais aussi un écrivain à fleur de peau, de nez, d’oreille, de sexe. Il y a du charnel dans tes expressions où tu évoques ta ruralité rude et intrépide, tes parents attelés à leur tâche, ta maman de labeur très “prisonnière” des nombreuses heures qu’on ne comptait jamais en ce temps là, qui est si présente en ton coeur, malgré tous les mystères qui planent sur sa sensualité et son apparent épanouissement de parent ! Il y a des passages qui tirent les larmes, tant tu portes à bout de bras la réalité de ce milieu éreintant et usant, de ce monde aussi chiche qu’heureux de l’époque. Je vis tes lignes à la puissance cent !
    J’avais pour tout jouet un cheval de bois à quatre petites roues de fer avec une queue en ficelle de lieuse. La fête de la batteuse dans le village était suivie d’un bal où j’ai connu mes premières “évanescences” amoureuses, mes premiers contacts d’enfant avec ma copine d’école qui, elle aussi, souhaitait connaître ce que le petit garçon avait dans la culotte de jute, qu’elle-même n’avait pas dans sa petite lingerie de coutil. Ça, tu le décris fort bien aussi. Les mains aventureuses, les doigts qui remontent des parfums qu’on n’oubliera plus de toute une vie ! On est du même bois dont on fait les manches de faux !
    Pierre, tu me fais souvent penser à Rabelais, Maupassant, Michel Ragon. J’aime tes impressions riches et claires, brutes de décoffrage, tes mots qui fouettent le réalisme dare-dare, dans ce qu’il a de plus tranchant et de plus tangent à la fois. Ça brasse l’intérieur d’entrer en tes phrases concises aussi expressives et précises, senties dans l’instant de l’époque où tu les as vécues...
    Ta littérature coule comme un divin nectar, un vrai plaisir de voyager dans ce temps qui te colle aux tripes, au coeur, tout y est intense et sans artifice superflu. Ta littérature se boit au goulot et sans faux-col, cul sec ! Bravo. — Gilles Compagnon, 18 avril 2018 [MP par Le Livre des visages]

    Michel Leuba [courriel du 6 novembre 2015]

    Votre poésie, spécialement votre poésie en prose, me semble rassembler tous les caractères du genre : briéveté, intensité, gratuité. Vous n’y décrivez pas, n’allez pas d’un point à un autre, mais recréez un tableau vivant dans son cadre. Et ces tableaux sont beaux car ils contiennent à la fois de l’éternel et invariable comme du relatif lié à l’époque et aux circonstances. Et puis, il y a le style, les mots et jeux poétiques.
    Vos qualités, ce sont celles d’un grand poète qui sait créer une foule de sentiments chez son lecteur. Je n’ai pas une appréciation, à proprement parler, d’homme de l’art mais celle de l’un de ces anneaux de fer aimanté par la pierre d’Héraclée comme dans le dialogue Ion de Platon. Quand je lis La Vie crépusculaire, je n’ai guère besoin d’explications, j’admire. Certes vous êtes un peu ma madeleine car, de même génération, j’ai aussi bu le lait au cul des vaches, travaillé à la batteuse, pompé l’eau à la main, et même couché avec ma cousine sous un édredon dans une chambre glaciale. — Michel Leuba [courriel du 6 novembre 2015]

    Articles dans Figaro-Lyon, Lire, etc. sur La Vie crépusculaire

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