La critique à réception de La Vie crépuculaire
Prix Kowalski de la ville de Lyon, Cheyne éditeur, 1996
Cette poésie de résistance, cette poésie debout, verticale qui est la sienne. Une poésie
qui affronte la vie, se collette avec le malheur, s’empare rageusement d’un rare
bonheur qui passe, une poésie portée par […]. Des
tableaux y raniment un souvenir ou y résument en quelques phrases,
détourent un personnage avec la fermeté du burin. Les phrases
tranchent, coupent à même la chair vive des émotions
pour bâtir un hymne passionné et douloureux à la condition
d’homme. Il y a la solitude, il y a la souffrance, le désarroi,
mais transcendant tout cela il y a la force du vivre, la volonté
du bonheur, la projection dans l’avenir. Et le désir sous
toutes ses formes. Ces ombres qui nous emportent
sont ainsi d’un érotisme frémissant, vibrant, qui
enchâsse la sauvagerie du désir dans la gangue magnifique
des mots pour dire la fulgurance et la plénitude du plaisir de
chair. […]
Nelly Gabriel, L’élan vertical, in Le Figaro [Lyon], 18 décembre 1996
Perrin évoque une vie âpre, prosaïque, laborieuse et fruste en des textes hantés par la solitude, la fatigue, la mort. La vérité poignante que recèlent les scènes suffit à faire la force et l’universalité de cette poésie de l’émotion, à travers une écriture charnue, rugueuse parfois, mais où les métaphores sont chargées d’énergie vitale et s’éclairent d’une lumière intérieure. […] Ici l’on aime avec « des forces nourricières » et les plus beaux poèmes sont probablement ceux consacrés à l’amour physique, qui se confond avec la célébration de la terre et peut-être de la présence reconquise.
Michel Baglin, [La Dépêche du Midi, 12 janvier 1997]
La sérénité, malgré tout ? Ouvrez tout d’abord le livre par La Porte, premier texte, premier poème, premiers regards sur la vie — mais c’est alors le dur matin paysan, et qu’on ne peut, l’hiver, poser les pieds nus « sur les dalles plus bleues que des engelures ». Les frustes bonheurs d’une patate rôtie, un or sous la cendre ; la présence de la mère, presque impondérable. Porte ouverte crûment sur des violences, des hontes, des douceurs qui nous arrachent à ce qui nous protège, nous aveugle, ou nous avait simplement éloigné de la douleur. […] Il aura fallu, pour construire un toit, pour abriter ce qui reste de chaleur, et ce qui, aussi, donne son prix, souvent, à la solitude, comme au partage, il aura fallu « crever, d’un coup de tête, le couvercle de la misère » ; et boire, et s’enivrer de « l’amour, un jus amer d’avoir tourné ». Et tailler, pour bâtir le livre comme on a construit les murs et le toit, tailler à coups de hache dans les mots faciles des effusions, des haines, des apitoiements. Ces pages ont une morale […]. Et puis cette langue drue, charnue, brutale, sait dénicher, à la pointe du mot, l’or de la vérité sensible.
Dans La Vie crépusculaire, Pierre Perrin se montre, à travers des proses sensuelles et fluides, un formidable poète de la mémoire : portraits de la mère gravés en mots, notations féroces d’une dure enfance paysanne (“on mangeait toujours après les bêtes”), découverte de la mort, de l’amour et du sexe, de l’humiliation et de la révolte, c’est peu dire que ses phrases cinglent comme des proverbes, des sentences couperets. À travers un vocabulaire à la fois simple et précis, c’est un vrai poète de notre temps qui donne à lire des auto-portraits violents et pleins d’humanité.
Roland Nadaus, in le bulletin de la ville de Saint-Quentin en Yvelines, mars 1997