Pierre Perrin : Louis Pasteur, l’homme de science
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  • Louis Pasteur, l’homme de science
    L’éprouvette et le pinceau de rage

    La pasteurisation commence où s’achève la théorie de la génération spontanée. L’étonnant est que le savant ait pulvérisé celle-ci dans son laboratoire, sans en tirer jamais la moindre conséquence dans les domaines de la grâce et de la foi. Il s’en tient aux faits. Il traite de même les animaux malades et il combat la rage. Les vaccins se suivent ; leur efficacité conquiert le monde. Le grand homme meurt en 1895. Sa famille décline l’offre de l’inhumer au Panthéon. Il repose dans son institut.

    Ce scientifique à la notoriété tôt acquise n’a, semble-t-il, pas eu le goût de parler avec Courbet. Le pinceau n’avait donc rien à dire à l’éprouvette. La région n’est pas grande, ses géants peu nombreux. Or Courbet fréquentait à Salins, où il se rendait plusieurs fois l’an, deux Max, le sculpteur Claudet, le poète Buchon. Et il n’aura jamais poussé la porte de la tannerie sur la Cuisance, à quinze kilomètres de chez ses amis. Deux contemporains parmi les plus auréolés de leur terre natale, il est vrai politiquement aux antipodes, se seront donc ignorés leur vie durant. C’est aussi cela, le sel de la région. L’inconcevable a ses raisons ; ces raisons ne surprennent personne. Il semble que l’œcuménisme retienne peu l’attention. L’histoire aurait-elle façonné l’habitant à la résistance, l’aurait-elle cuirassé presque de naissance ?

    Car enfin si Courbet incarnait le rebrousse-poil né – son action fanfaronne, sa peinture choquaient – mais non, il ne méritait pas un regard du savant. Chacun sa charge et son silence au vitriol. Étrange frontière entre deux esprits sans frontière ! La fermentation, c’est une pourriture. À dose prescrite, elle sauve la vie. Mais la cancoillote et le vin jaune accèdent à la noblesse des papilles à la ronde. Le réalisme était encore une autre pourriture, pour qui ne voulait rien voir. Celle-ci pourtant révélait une vigueur, une santé sans pareille. L’œuvre du rustre est aux quatre coins de la terre. La rage, elle, est vaincue – la race humaine respire… la science garde le dernier mot.

    Pierre Perrin, Franche-Comté, 1999

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