Pierre Perrin, L’art de vivre
Les Carnets, en cours d’écriture
« Pourvu qu’ils se gorgiassent en la nouvelleté, il ne leur chaut de l’efficace. » Montaigne, Essais, Livre III, 5
Si la seule imagination de l’infini ébranle des cavernes, la danse, la transe, tous les feux qu’on s’invente ne visent qu’à épaissir le rideau de fumée. La bulle crèvera, tout se poursuivra, sauf soi. Donc profiter . En Occident, se géantiser ! Se néantiser, la mort autour du cou, trahit le même égoïsme carnassier. Dans le premier cas, on écrase tout ; dans l’autre, on fait ou laisse tout écraser. On ne peut se laver les mains du monde. Entre châtrer son horreur du vide et ses illusions, la voie est étroite. On marche sur un fil, quand ce n’est pas l’ombre d’un fil, dont on ignore tout. Devant la multiplicité des contradictions, la vérité nous échappe, quand trop de simplicité aveugle.
Pourquoi écrire ?
L’enfant qui s’est trouvé, par le travers d’un livre, et que reprend la peine, la page refermée, s’il fait bouger les pierres, et que ses dons de passe-muraille gagnent en force, arrange un jour le royaume qui le délivre.
Un couteau, un crayon, un papier qui vibre sous ses lèvres, tout est bon à sa métamorphose. L’enchantement ne lui suffit pas. Il l’exerce sur ses proches. S’il s’acharne en souriant, l’art bientôt se règle sur sa marche.
Comme il a pris l’habitude de se jeter loin avec les années, il se découvre un arbre, presque dévoré, sans plus de feuilles, pourtant d’une verdeur à nulle autre pareille. Il se survit par cela même qui l’a épuisé, le gui des druides.
Pierre Perrin, Les Carnets en cours d’écriture