Pierre Perrin : De quelques stupidités bien dans l'air du temps [intelligence à gauche, censure]
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  • L’intelligence ou le monopole des sots
    et la censure forcément de droite

    La Gauche de Sartre, c’était La Nausée  — Camus vilipendé. Aujourd’hui, dans la BHLM de la pensée germano-pratine, demeure l’absolu de l’intelligence. L’intelligence est à gauche, c’est une exclusive, un dogme, un diktat. On en doute ? La recherche en France voulait davantage de moyens (automnes 2003-4, notamment) ? Elle est descendue dans la rue crier un slogan digne de la matière grise qui l’avait enfanté : la droite tue l’intelligence ! Les intermittents du spectacle, à grands coups de casseroles, développent-ils un autre credo ? La solidarité exemplaire exige qu’on assassine d’abord l’adversaire, de tout son mépris !

    Mais il y a plus subtil dans le galop de l’impudence : la caution de l’Historien. En l’occurrence, dans un documentaire consacré au rappel de l’été 1936, diffusé dimanche 6 août 2006 sur Arte vers 18 heures, l’historien Pascal Ory asséna sans vergogne que le Front populaire avait reçu le soutien de l’élite intellectuelle de l’époque ; cette adhésion s’élevait jusqu’à neuf [écrivains] sur dix (à la différence d’aujourd’hui, on comptait pour rien les faiseurs de romans policiers et de sexe). Or si l’on examine, ne serait-ce qu’à vue d’œil, le champ de la littérature en cette anné-là, l’a priori d’un soutien à 90 % pour la gauche s’effondre. Il reste, on lit ci-dessous — mais, sur l’autre bord, ne lirait-on donc plus ?

    Aragon Louis
    Breton André
    Cendrars
    Char René
    Éluard Paul
    Gide André
    Giono Jean
    Malraux André
    Romain-Rolland



    [N.B. Camus, Prévert ni Sartre n’ont rien publié à cette date]

    Jean Anouilh
    Marcel Aymé
    Georges Bernanos
    Paul Claudel
    Louis-Ferdinand Céline
    Colette
    André Gide
    François Mauriac
    Henry de Montherlant
    Saint-John Perse
    Marguerite Yourcenar
    etc.
    [Chacun peut amplifier à sa guise l’une et/ou l’autre liste !]

    C’est ainsi que des assertions sans preuve, sans nuance, confortent la modernité que brocarde une page du Cri retenu, tandis qu’une autre stupidité fait rage : la censure est le démon de la droite. La gauche reste sur ce chapitre d’une virginité sans faille. Ne réveillons pas le bureau des écoutes à l’Élysée sous Mitterand [un président ‘vraiment à l’écoute’ de son premier ministre : Fabius, pour mémoire] ni la chasse au livre de son médecin personnel, Gübler, qui voulait dénoncer la tromperie des bulletins de santé du président [fin hiver 1996]. Au cran supérieur, le paradoxe de l’intolérance devant l’intolérable est si bien recommandé que Voltaire en personne est tranquillement censuré. Un exemple : cherchez l’article ‘Juifs’ dans son Dictionnaire philosophique, et vous verrez que, presque partout, la page est manquante. En poche, par exemple dans une édition GF de 1964, édition qui prétend[ait] restituer le ‘texte intégral’. Vous avez dit censure ?  — Et puis, de 2007 à 2012, le samedi vers 13 h 15, sur France 2, Mon œil de Michel Montpontet était un régal. Hollande président, c’est, dès juin 2012, que l’émission caustique fut définitivement supprimée. Une censure ? Pour les Bo-Bo derrière leurs œillères idéologiques, cette disparition ne saurait rien prouver… que de naturel !

    Pierre Perrin, ‘Carnets de haut bord’, Août 2006 et dernier § 2014

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