Parme Ceriset a lu Le Goût de vivre
essai de Pierre Perrin, Possibles Hors-série, 2025

J’ai lu Le Goût de vivre de Pierre Perrin, essai paru en hors-série de la revue Possibles en avril 2025, divisé en quatorze chapitres dont la progression chronologique, évoluant du « noyau de l’Être » jusqu’à son extinction (en passant par « le point d’amour », la souffrance, la liberté, l’art et la spiritualité), peut faire écho, me semble-t-il, au parcours de toute existence humaine.
De surcroît, les thématiques abordées possèdent une dimension intemporelle. De l’Homo sapiens à nos jours, rien n’a vraiment changé. La cruauté en particulier s’est perpétuée de génération en génération, et elle constitue une des préoccupations majeures de ce volume. « L’Histoire nous apprend que nous ne retenons guère ses leçons », dit l’auteur, pour lequel rien ne peut justifier le sort tragique d’un « petit violenté, battu, voire enfermé à mort ». Dans la lignée de Giono, il dépeint aussi avec pertinence les horreurs commises sur les animaux. « L’homme, qui se prétend seul penseur, dénie toute intelligence à ses proies. C’est dire s’il peut pavoiser, quand sa supériorité, dans la nature, c’est le mensonge, la manipulation, la ruse décuplée. Un renard vous tend la patte ; vous mettez le feu à son terrier. »
- — Le Goût de vivre, essai, avril 2025, 160 pages, 16 €, sur ce site —
Descriptif du volume et sa possible acquisition
- Parme Ceriset a lu Le Goût de vivre, in Le Livre des visages, 13 mai 2025
- Élisabeth Loussaut a lu Le Goût de vivre, courriel, 12 mai 2025
- Carmen Pennarum a lu Le Goût de vivre, in Le Livre des visages, 10mai 2025
- Retours intermédiaires à propos du Goût de vivre (avril, mai)
- Retour de lecture de Jacqueline Fischer, courriel, 28 avril 2025
- Retours de lecture de Paloma Hidalgo et William Burch, 20 et 21 avril 25
- Retour de Delphine Leger in Le Livre des visages, 10 avril 2025
- Retour de Jean-Robert Comte, in Le Livre des visages, 10 avril 2025
- L’Escale de Jeanne avec Florence Crinquand [cf. estampe de couverture]
- Un extrait lu par Alain Lagarde [vidéo 2 mn]
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La seule explication possible à cette absence totale d’empathie nommée « maladie humaine », réside dans la bêtise, et pour illustrer son propos, Pierre Perrin cite La Bruyère : « Si la pauvreté est la mère des crimes, le défaut en esprit en est le père ». Comment vivre alors, en ayant connaissance de tout cela ? « Il faut contrer les revers ; tenir court ses colères, aider sa chance, maintenir le sourire. » Et l’amour nous y aide, mais à condition de donner de soi-même, ce que Pierre Perrin exprime ainsi, avec le sens de la formule qui lui est propre : « Qui peut recevoir quoi que ce soit d’autrui, une taloche exceptée, et encore, sans d’abord rien donner de soi ? »
Le bonheur, « avidement recherché » peut être atteint « lorsqu’une autre personne nous habite et irradie la lumière du monde à elle seule, nous pousse au large de vivre ». Mais « un état de grâce est toujours ténu. C’est qu’il est dans la nature du bonheur de se désintégrer ». Ainsi vivrons-nous le temps d’un souffle, avant de disparaître, comme un simple « caillou rendu aux orties ».
Que faire alors de notre passage en ce monde ? Pierre Perrin choisit de « placer haut le partage et l’attention pour autrui », en éloignant « ceux qui nient cette nécessité, les suffisants, les arrogants », de se consacrer à la littérature, à la poésie, « voix des dieux », qui « unit à son sommet les vivants et les morts », nous offrant une bouffée d’utopie salutaire en faisant « croire à ce qui ne peut être ». Mais, comme disait René Char, « la lucidité est la blessure la plus rapprochée du solei », et Pierre Perrin dresse un état des lieux sans concession d’une société individualiste où « chacun incarne dans le vide son propre dieu », où « le progrès sert d’abord la guerre », où la paix, « si peu humaine, fait peur », où « la voix du monde est si enrouée d’horreurs que les hommes n’écoutent guère la planète mise à mal, où la littérature se vend en sachets », où l’école « échoue désormais à susciter le goût de lire », où « l’oubli dévaste tout ». Puis un rêve est offert au lecteur : « Les États-Unis de la Terre […] Je ne serai plus là. Mais, vous, poursuivez l’utopie. »
J’ai aimé ce livre, cette voix franche, tranchante, authentique, allant jusqu’à la confidence d’un drame ayant marqué l’enfance de l’auteur au fer rouge, qui contribua peut-être à le forger poète et écrivain. J’ai aimé la métaphore de la vie vue comme une « éclipse » entre le néant et le néant : « Naître c’est sortir de l’absence. Y rentrer c’est mourir. » J’ai aimé, enfin, le goût de la vie humaine entre les lignes, la saveur des mots, acide parfois, mais jamais édulcorée, et l’hommage rendu, dans tous ses contrastes, à l’intensité de vivre.
Parme Ceriset, 13 mai 2025