Carmen Pennarun a lu Le Goût de vivre
essai de Pierre Perrin, Possibles Hors-série, 2025

J’ai refermé Le Goût de vivre, le dernier livre de Pierre Perrin, un essai où il a rassemblé des notes écrites depuis 2015 en quatorze chapitres. Le premier chapitre s’ouvre sur une question : Qu’est-ce que vivre ? Une question essentielle que nous nous posons régulièrement au cours de notre vie, surtout quand « le goût de miel » de l’existence nous fait défaut et qu’il est nécessaire de réajuster nos positionnements. « Le vécu est mon maître. Il m’a traversé sans pitié », dit l’auteur et c’est avec grande lucidité qu’il observe l’alternance des œuvres que la beauté ou que le mal réalisent sur terre alors que le temps d’une vie chaque âme accompagne son humain, faseyant au fil des épreuves, des influences, des choix qui le font pencher de l’une vers l’autre. « La beauté se décompose. Le rien prime l’essentiel, se confond avec lui. Le goût détruit, la langue se nécrose. La grammaire en péril, la langue à l’agonie préparent un nouveau monde. »
J’ai refermé le livre pour en ouvrir un autre habité par le même amour de la terre que le fourmillement des mots enflamme, celui de Jean Malrieu, Préface à l’amour suivi de Hectares de soleil. Cet amour est un cri qui apostrophe le lecteur, interpelle la nouvelle générations et les suivantes. On lit chez Jean : « Les fourmis qui moissonnent au haut des graminées se hèlent de prairie en prairie. / Mais l’amour est inquiet. Il a le ton pressant qui avertit de l’accomplissement prochain des choses. / J’attends / Parce que je suis pressé. » Et Ceux qui aiment regardent en face. / Ne crains pas. » Tous ces riens qui dans la nature sont richesses et dans le déroulement de nos vies sont grains de sables menacent de conduire le monde à la catastrophe. Les évènements contrarient notre logique mais la conscience veille et quelques esprits instruits partagent leurs connaissances et leurs regards, perspicaces, ils interpellent afin de faire jaillir la lumière dans tous les domaines où, pour des raisons politiques, religieuses, économiques l’humanité devient malade.
- — Le Goût de vivre, essai, avril 2025, 160 pages, 16 €, sur ce site —
Descriptif du volume et sa possible acquisition
- Parme Ceriset a lu Le Goût de vivre, in Le Livre des visages, 13 mai 2025
- Élisabeth Loussaut a lu Le Goût de vivre, courriel, 12 mai 2025
- Carmen Pennarum a lu Le Goût de vivre, in Le Livre des visages, 10mai 2025
- Retours intermédiaires à propos du Goût de vivre (avril, mai)
- Retour de lecture de Jacqueline Fischer, courriel, 28 avril 2025
- Retours de lecture de Paloma Hidalgo et William Burch, 20 et 21 avril 25
- Retour de Delphine Leger in Le Livre des visages, 10 avril 2025
- Retour de Jean-Robert Comte, in Le Livre des visages, 10 avril 2025
- L’Escale de Jeanne avec Florence Crinquand [cf. estampe de couverture]
- Un extrait lu par Alain Lagarde [vidéo 2 mn]
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« Portant une camisole de flammes, quand même nul ne la voit, un poète, comme un amant se consume de l’intérieur. » [P. Perrin]
La profonde sagesse que révèle cet essai, la clarté de la pensée exprimée en adoptant parfois le style du pamphlet pour apostropher les jeunes gens, la parole sans complaisance qui dresse un état des lieux de la littérature que notre société détruit peu à peu, je ne peux que m’y rallier. Ce cri est nécessaire pour la sauvegarde du levain du verbe et pour soutenir la fougue de la jeunesse que la société, dans laquelle nous vivons, étouffe. Le snobisme dans l’Art est à dénoncer. La reconnaissance tacite d’artistes arbitrairement subventionnés, l’oubli des auteurs du passé qui nous ont construits sont autant de mesures qui fragilisent le socle avec lequel on retourne la terre de la littérature actuelle et on renouvelle l’Art. Faudra-t-il à l’avenir se contenter d’un ersatz de culture et refondre notre confiance dans le creuset de l’IA ? Préférons plutôt lire Pierre Perrin qui écrit que Montaigne est son guide, La Bruyère et Renard ses éclaireurs. Souvenons-nous du poète Villon ou de la pensée de Spinoza, car la Joie de vivre passe par l’usage des mots justes appliqués à la pensée.
« Frappez aux tables et des faims nouvelles se réveilleront », nous dit Jean Malrieu qui, poème au poing, se veut incendiaire et c’est bien ce que Pierre Perrin fait dans cet essai – à lire lentement avec toute l’attention qu’il mérite. Un livre sur lequel on peut compter, et vers lequel revenir à chaque fois que nécessaire, car le monde est en marche qui ne nous permet aucun arrêt, et nécessite notre vigilance. Mention spéciale pour les fins de chapitres dont la lecture pourrait servir à alimenter la pensée du jour et nous permettre d’avancer avec confiance. Au hasard j’ouvre le livre en fin de chapitre III sur Courbet et la colonne Vendôme. « Quel homme ne s’est pas beaucoup trompé dans sa vie ? C’est par ses erreurs qu’on est d’abord un frère - et non un idéologue. » Merci, mon frère.
Carmen Pennarun, Le Livre des visages, 10 mai 2025