Retours de Tison, Mathé, Pobel, Fontaine, Farina, Brogniet sur le recueil La Porte
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  • Pierre Perrin, La Porte
    Quelques retours des meilleurs amis

    recueil La PorteUn grand merci pour La Porte, qui me touche beaucoup. L’ouvrage de papier, déjà, est fort réussi, très joli, un bel écrin pour vos écrits dont la langue est dense et fluide à la fois. Page 24, une phrase magnifique (mais j’ai retenu celle-ci parmi d’autres encore, bien sûr), « Le plaisir au large la rend innombrable, sa mémoire est devant elle une jeune fille qu’elle invente », me convainc, encore une fois s’il était nécessaire, que (si vous me permettez cette comparaison entre vous et moi), nous avons le souci commun d’une langue pure, rêveuse et précise à la fois, “creusée” de l’intérieur… Je note que vous avez renoncé à corriger, page 28,  "fuse à ses côtés" ; c’est à mon avis une bonne chose, car l’expression, donnant à lire qu’ « elle » apparaît en quelque sorte à la fois physiquement et mentalement (tout autour, de chaque côté, presque dans la pensée donc), s’ajoute bien à ce qui suit (tout en s’en distinguant), à savoir la mention de la « main », celle-ci singulièrement saisie dès lors. Premièrement, l’aimée arrive tout entière et partout autour de l’aimé ; elle lui saisit la main, c’est toute la sensualité ; puis « elle le tire sur ses pas » : trois moments. C’est très beau, ainsi (à mon avis). Frédéric Tison, 9 juillet 18

    Un grand merci de ce cadeau, cette porte bleue ouverte sur la mer. Merci aussi de me faire figurer deux fois dans cette petite anthologie que j’ai lue (relue) attentivement en pratiquant le strabisme divergent : un oeil sur l’anthologie, l’autre sur La Vie crépusculaire et sur ton tapuscrit Des jours de pleine terre. Pour constater (mais j’étais prévenu de ton travail de réécriture) que si certains poèmes sont restés dans leur état originel, d’autres ont changé de visage : abrégés, transposés du passé au présent qui, comme il se doit, confère plus de présence aux faits, aux images. Je n’ai eu à regretter que la modification de l’incipit de La porte. Je préférais les phrases plus longues de l’original et ce passé qui à mon avis ancre mieux l’évocation dans un vécu. Mais l’ensemble du florilège, tel qu’il est, me plaît : j’y retrouve ta voix singulière, pleine, avec des moments rugueux ou acérés. Bref, une écriture qui a une personnalité. [Jean-François Mathé, 10 juillet]


    Dans La Porte, la première partie, La Vie crépusculaire, peut constituer une tranche de vie de poète, un récit. Le personnage pris dès sa jeunesse dans les rets des écarts, il est écarté d’une vie comme pourrait la vivre la masse, parmi paysans et bienséances. Il aime la grâce et la beauté, loin d’une odeur d’étable à travers la porte éprouvée par le temps et mal fermée qui lui rappelle son origine et sa blessure. Alors il se lance dans les gammes de l’écriture pour donner “le change”… Il est conscient de ses progrès à faire, mais il continue car « la passion seule fait cracher l’encre ». La passion et le désir exprimés de façon très sensuelle, charnelle provoquent l’écriture. Dépasser les convenances à la façon d’un Van Gogh solitaire et solaire, travailler à la beauté de l’écriture. Et Pierre, cette magnifique définition du poète : « le poète est ainsi un mort-vivant : un instrument ; l’archet délivre une vibration plus ou moins agréable, c’est tout. ». Cela exprime tout le possible d’un poète dans tout son être, avant de faire sonner cet être dans l’écriture… Parfois des métaphores étonnantes, des rapprochements incongrus mais justes : « les génocides, la guerre ? Un rien de chirurgie à peuple ouvert », mais c’est toujours le coeur allié à la raison qui fait grandir : « sans raison, le coeur babille ; il faut grandir comme le reste ». Pourtant tout est toujours à recommencer, les guerres comme l’amour, tout est revécu. — Des jours de pleine terre me plaît surtout pour ses poèmes d’amour qui chantent la profondeur et la sensualité. Perdre un amour, c’est comme si « le jour ferme son couvercle », lourd comme le ciel de Baudelaire dans un de ses poèmes… Ainsi j’ai aimé p.61, p.70, p.72 où le couple en harmonie perdure dans le temps et la fraîcheur. J’ai aimé aussi vos colères qui sont très expressives par l’originalité des métaphores. Malheureusement tout s’oublie même si l’on écrit l’indicible, on oublie jusqu’aux bons auteurs emporté comme par des “trous noirs” de l’ignorance… [A. Fontaine, 17 juillet]

    .Merci, cher Pierre, pour cette Porte (ô Apollinaire !) dérobée que tu invites à pousser, à franchir… C’est un beau cadeau dans l’été. J’aime ta poésie, tu le sais, parce qu’elle est chair, sang, peau, arbre, épines, jardin, bestiau… Parce qu’elle est “de pleine terre”. « Aucune consolation n’existe », on est bien d’accord, mais nous sommes là, quelques-uns debout contre le vide du monde. « C’est étonnant comme une voix peut ouvrir les bras », dis-tu. La tienne accueille si bien. Merci de me permettre ainsi d’y trouver refuge. Mon amitié en retour. [Didier Pobel, 17 juillet 2018]

    Une femme, un enfant, le meurtre du chien, le village toujours entre deux enterrements, un monde dur où désespérément on va chercher l’ami: « Qu’est-ce qu’un ami, sinon celui qui brise le silence le premier ? S’il échoue, le silence ne l’arrête pas. Il appelle encore, incrédule, par une foi fichée au coeur, il vit. Un tel ami tient dans la main, les doigts de la main, tant s’évapore la poésie que nul ne lit. » Cette recherche de l’ami, de la femme aimée, de la beauté, c’est elle qui donne sens à La Porte, la petite anthologie de ses poèmes et autres textes, que Pierre Perrin vient de publier aux éditions Possible et qui m’a beaucoup touchée : « Vers la beauté qui le fascine, il fait un pas, deux ; il recule. Il ne jouit que de l’impuissance à vivre la réalité. Le partage le fait fuir. Frigorifié, jamais transplanté, il ne trouve que des dos, des talons ; la moindre taupinière le jetterait par terre. Il piaffe, il hurle ; mais il reprend l’élégie. » Merci Pierre Perrin. — Marie Paule Farina, Le Livre des visages, 2 novembre 2018

    J’ai lu avec grand plaisir le petit volume que tu as eu la gentillesse de faire imprimer pour le plaisir de tes amis, La Porte. J’y ai retrouvé les beaux textes de La Vie crépusculaire. et surtout les nouveaux Des jours de pleine terre, où ton écriture, déjà ferme et de pleine pâte, élabore avec de la lumière, de la transparence, un canevas mobile, pour dire comment survivre et surtout vivre à partir de ce que le destin nous a laissé : « à mes mains, trop petites, tout reste interdit » [p. 44]. « Te souviens-tu, d’entre tes cils, toi qui me lis, de tes doutes, alors, si près de basculer dans l’univers ? » [p. 46] Pour en arriver, avec une simplicité profonde, à ceci : « Entre l’écorce et le silence, où vont les bouches avides des plus secrets désirs, sur la terre entière, la plénitude est notre unique raison d’être. » [p. 54] Il fallait dire cela, et le dire si bien. Notre temps de confusion et d’ignorance réclame toujours plus que le poète témoigne, pour tous, à partir des ruines, et de son expérience de la douleur ET de la plénitude. Merci de faire partie de ces vigies-là et de nous ouvrir cette porte qu’on appelle résilience. — Éric Brogniet [poète et académicien belge], 28 août 2018

    Note de lecture de Murielle Compère-Demarcy —>

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