Pierre Perrin, La Porte
et autres poèmes, éditions Possibles, 96 pages
C’est une heureuse surprise que de découvrir un petit (mais très dense !) choix anthologique, en deux parties, de poèmes en prose de Pierre Perrin, édité tout spécialement pour le festival de Montmeyan, dans le Var, l’été 2018. On découvre ainsi des extraits de La vie crépusculaire (prix Kowalski de la ville de Lyon, Cheyne éditeur, 1996) qui s’ouvre avec le texte “La Porte”, porte « de la ferme séculaire » où l’auteur va vivre son enfance et sa jeunesse, et qui donne ce titre inaugural au choix entier ; suivi Des jours de pleine terre, vingt poèmes choisis d’un recueil inédit en préparation, que nous allons désormais attendre avec une certaine impatience !
« Le poète consigne en effet une part de l’homme que la société fait mine d’ignorer ou bien s’emploie à bâillonner », peut-on lire dans le texte “La Poésie”. J’imaginerais bien dans cette phrase une partie de ce qui peut-être motive Pierre Perrin lorsqu’il se décide enfin à écrire. La Mère est décrite sans concession : personne dure – déjà pour commencer avec elle-même, qui n’arrête pas de trimer du matin au soir, sans une once de compassion aussi. Dans le village, “La Toussaint” ce n’est pas très gai non plus, même si « on fête la mort, en habits du dimanche ». Dans “Le Change”, le poète se relit et « le dégoût l’accable […] Vers la beauté, qui le fascine, il fait un pas, deux ; il recule. » C’est un combat terrible contre soi-même qui s’engage : « L’air lui manque, tout lui manque. Le cœur imberbe, les frustrations à vif, la moindre égratignure le ravage. Ravir veut davantage. »
- La Porte et autres poèmes, 2018, une vingtaine de retours de lecture
Acquisition du recueil
- Retours de 2020 [Michelle Ronin, Véronique Elfakir, Philippe Colmant]Le style de Pierre Perrin est aussi celui de ses maîtres. Il excelle dans l’utilisation de ces questions rhétoriques dont la réponse immédiate fuse comme pour en annihiler la vanité.
- Lecture de Marie-Claude San Juan sur Trames nomades 2/7/19une conception de la poésie qui compte : conscience de soi, et conscience du monde, dire et déchiffrer l’énigme du processus poétique que l’écriture permet de penser
- Deux notes de lecture de Michel Baglin sur TextureUne écriture charnue, rugueuse parfois, mais où les métaphores sont chargées d’énergie vitale et s’éclairent d’une lumière intérieure.[…] Des textes puissants, qui reviennent sur l’enfance […] On est loin ici de la poésie ornementale ! L’expression y est ramassée…
- Deux notes de lecture d’Alain Nouvel et Jeanne OrientC’est une poésie de l’humilité et de l’humus, une poésie des genoux dans la terre. Elle a la rudesse de qui se sait mortel et qui se cabre. La poésie d’un solitaire dévoré par cette étrange culpabilité de la perte, lequel sait se dire pourtant : « C’est étonnant comme une voix peut ouvrir les bras », la poésie d’un solitaire rédimé par l’apparition miraculeuse d’un « nous » : « Si le monde nous tire par la manche ? Peu importe ! Tu es là comme le vent dans l’arbre, au matin la lumière
- Une note de lecture par André Campos RodriguezDans l’écriture de Pierre Perrin, il y a du Janus, qui fut considéré comme le dieu des Portes, justement, car comme lui elles regardent de deux côtés. Quand les Romains étaient en guerre, on ouvrait les portes du temple de Janus pour signifier que ce dieu était aussi parti au combat. On les refermait quand la paix était rétablie. Le lecteur se retrouve donc avec deux versants, ou deux visages, mais l’unité de l’ensemble est sauvegardée grâce au style impeccable et rigoureux du poète…
- Retours de Tison, Mathé, Fontaine, Farina, Pobel, BrognietL’ensemble du florilège, tel qu’il est, me plaît : j’y retrouve ta voix singulière, pleine, avec des moments rugueux ou acérés. Bref, une écriture qui a une personnalité. [Jean-François Mathé, 10 juillet]
- Une note de lecture de Murielle Compère-DemarcyDès le texte d’ouverture la voix du poète se reconnaît, dans sa capacité à simultanément abstraire et a contrario concrétiser – d’une situation, d’un état des lieux, d’un événement – toute une symbolique vrillée aux chevilles du vécu. […] Concise et sans concessions l’écriture du poète accède au cœur des choses sans états d’âme, mais puissamment.
- Une présentation par Christophe Forgeot [Montmeyan]Finalement, je me plais à subodorer que si Pierre Perrin éprouve le besoin de rompre, c’est qu’il s’entraîne, dans une sorte de sagesse inconsciente, à ce qui sera peut-être son ultime rupture. Sauf qu’à ce jour, personne n’a pu lui prouver qu’il y aura, là, un passage, une renaissance, ni même une autre espèce de continuité. Peu importe, différemment, Pierre Perrin aura décidé de rompre encore et de continuer.
- Premiers retours de lecture — Acquisition du recueilVos ‘prosèmes’ (j’invente le mot) sont précis et bien rythmés. Ils rendent présents ce qui vous habite. Pour moi, qui suis resté catholique, la “réelle présence” n’a aucun sens, si on ne la trouve pas ailleurs que dans les rites. Or, elle fait défaut partout, aujourd'hui. Pas chez Simenon. Pas chez René Char (merci pour lui), pas chez vous. Ce n’est pas du dogme, que je vous parle, mais de ce qu’il peut ouvrir…
Heureusement, il y a des pages plus réconfortantes et chaleureuses, comme celle qui rend hommage à “La Femme aimée” ou comme dans “Évidence” : « Le désir au large va, vient, les yeux grands ouverts. Tu chantes l’éternel printemps. Au cœur est notre amour. Il n’est pas de plus belle place. » Et puis il y a ce texte qui est solaire pour la femme (toujours) aimée, que j’aime beaucoup, car il m’évoque la poésie de Jean Malrieu et ce « temps éternel pour aimer ». C’est dans la partie III de “La paix au large” :
« C’est étonnant comme une voix peut ouvrir les bras.
« Tu es venue, tu m’as levé d’entre des eaux noires pour m’emporter vers un présent perpétuel. Je n’ai plus regardé que toi, tremblant, mais tellement heureux de te rassurer, pour me rassurer moi-même.
« Nous voici nus, entre les livres, le jardin ; de l’un à l’autre nous allons, des mésanges plein la tête (qui jamais n’ont été plus libres). »
L’amour neuf est tel que toutes les fleurs et tous les fruits lui appartiennent.
Dans l’écriture de Pierre Perrin, il y a du Janus, qui fut considéré comme le dieu des Portes, justement, car comme lui elles regardent de deux côtés. Quand les Romains étaient en guerre, on ouvrait les portes du temple de Janus pour signifier que ce dieu était aussi parti au combat. On les refermait quand la paix était rétablie. Le lecteur se retrouve donc avec deux versants, ou deux visages, mais l’unité de l’ensemble est sauvegardée grâce au style impeccable et rigoureux du poète.
André Campos Rodriguez, sur son blog, le 4 octobre 2018