Létat de notre langue
au détour de ce quon lit, entend, à droite,
à gauche, et qui na pas de fond
« En
ces temps difficiles, il convient daccorder notre mépris
avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux. »
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe
Parce que la faute est une denrée périmée, à tout le moins banalisée, il nest peut-être pas inutile den proposer quelques-unes, en toute innocence, à la sagacité des amateurs. Le barbarisme deviendrait-il la règle de nos élites policées ? Il est vrai quun certain mammouthistrion [de lÉducation nationale], au tournant du siècle, avait approfondi lornière. La moitié de ses relatives étaient allègrement fautives ou peu sen faut.
Le 6 janvier 2008, Isabelle Duriez écrit à propos de Barack Obama, dans Libération : « Sans lui, l’Amérique ne chercherait pas un réconciliateur, voir même un rédempteur. » Outre le pléonasme ignoré, l’absence du e final, qui distingue l’adverbe du verbe, laisse sans voix. On ne peut plus lire un article, où que ce soit, sans faute. — Je cesse donc là mes stigmates, sans lendemain.
Au 3 décembre 2007, voici un exergue proposé par le journal Le Monde pour un Faire part : « Nous avons crée notre tribue...par amour », qui encourage assurément la création…
Lundi 25 juin, l’épreuve de français pour le brevet des collèges est assortie d’une proposition de corrigé national. Celle-ci recommande l’accord suivant : « ils se sont doutés que… » Corrigé national sur un sujet validé en dernier ressort par un recteur et un inspecteur général de l’Éducation nationale ! Or le verbe ‘se douter’ est recensé, par Grevisse, parmi les « pronominaux subjectifs, non réfléchis ; le pronom conjoint, censément préfixé ou agglutiné, est comme incorporé au verbe et ne joue aucun rôle de complément d'objet. Ce pronom ne doit pas, dans l’analyse, être distingué de la forme verbale » [§ 601 de l’édition Hatier, 1964]. Se douter n’est pas se tuer. On attend donc des élèves, depuis la capitale, qu’ils fassent la faute avec le S pour obtenir le point ! [Lire une autre ânerie, sur le sujet de bac cette fois.]
En avril, une certaine Aprile de l'université de Tours publie un réquisitoire contre le candidat Sarkozy. On lit par exemple, à deux pages d’intervalle : « il laisse à croire — quoiqu’on pense — car en effet… » Cette professeure ignore donc le verbe accroire [faire croire à tort], ne voit pas de différence entre la locution pronominale indéfinie (en deux mots) ‘quoi qu’on pense’, c’est-à-dire une possibilité vaste et la conjonction de subordination utilisée pour la concession. Son ânerie (‘malgré qu’on pense’, paix soit aux ânes !) est donc encore pire que le ‘car en effet’ zitronien… qui la suit. Belle qualité pour le CVUH !
Vendredi 6 avril, sur France-Inter, une phrase parmi les premières du journal de 7 h 30 commence ainsi : « Sur ces photos, on y voit des policiers… » Journal lu avec application, comme il se doit. Le pléonasme du Y qui répète le “sur ces photos” devient de la sorte la règle, l’usage. L’embrouillamini radiophonique encense ainsi, ou peu s’en faut, feu la clarté de la pensée. — Le 30, au journal de 7 heures, J.-F. Aquili s’empêtrera : « […] le centre dont il a besoin… des voix », mais il ne l’avait peut-être pas écrit.
Samedi 3 mars, au journal de vingt heures, sur France 2, Virginie Fichet explique dans un reportage consacré à un éboulement de terrain qui interdit laccès côté français au tunnel du Mont-Blanc « quaucun travaux de déblaiement na pu être entrepris ce jour » ! Un reportage, pas du direct !
Erik Emptaz, dans Le Canard enchaîné du 28 février, signe un article en première page qui privilègie la faute de goût : « Plus les sondages sont bons, plus il sen grise. » Ainsi, pour un parallélisme dopérette, le canard sacrifie le meilleur qui simpose.
Dans lémission C dans lair, jeudi 8 février 2007, un diagramme compare des chiffres du secteur publique et du secteur privé. Cette faute dans le titre, en gros caractères, du document occupe assez longuement, par deux fois, lécran. Aucun invité ni le présentateur ne relève lincongruité du mésaccord. Pensait-on à quelque raie publique par nature et particulièrement dispendieuse ?
Sur Question déducation n° 2, une publication ministérielle couvrant les mois de novembre-décembre 2006, on peut lire, page 8, quune évaluation « attestera de leur conformité ». Le ministère en charge de la langue, et sadressant à ses professeurs, nest même pas fichu de faire attester ses propagandes par du personnel en règle avec sa langue !
En arrière-plan dune responsable de magasin déplorant linterdiction douvrir, sur Angers, le dimanche de Noël, on pouvait lire : « Toute léquipe de [ ] vous souhaitent de joyeuses fêtes. » Pourrait-on invoquer lexcuse dune syllepse ? Les compléments dobjet auront fait fourcher Où cela ? Cétait sur France 2, lundi 4 décembre, vers 20 h 22. — Continuer la lecture