Pierre Perrin, Finis litteræ
Hors-série de Possibles lu par Nouvel, Mottet, Pobel, Martin, Lafont

- Finis litteræ, Hors-série de Possibles 2024, le recueil, les lectures, etc.
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La présentation du volume, les moyens de l’acquérir, + errata.
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- N’ayez pas peur du sonnet ni de l’alexandrin [par P. P.]
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- La Vénus de Milo et mes choix d’écriture [par P. P.]
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- Denis Billamboz a lu Finis litteræ, 17 avril 2025
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- Nicolas Granier consacre deux vidéos à Finis litteræ [28 novembre 2024]
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- Paloma Hidalgo et Parme Ceriset ont lu Finis litteræ [10 novembre 2024]
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- Christian Ghiotti a lu Finis litteræ [12 septembre 2024]
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- Pierrick de Chermont a lu un premier état de Finis litteræ [30 mars]
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- Pascal Adam et Aline Angoustures ont lu Finis litteræ
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- Lecture par Jeanne Orient [texte et video] pour Finis litteræ de Pierre Perrin
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- Retours de lecture de Didier Pobel [entre autres] à propos de Finis litteræ
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- Article de Daniel Guénette repris de son blogue Dédé blanc-bec, 17 juin 2024
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- Yves Marchand, la lecture à brûle-pourpoing d’un pamphlétaire [6 juin 2024]
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- P. P. Éloge de la poésie [et comment je suis venu à elle]
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J’ai lu Finis litteræ. Ouah ! Fort livre vraiment, puissant, auquel effectivement l’alexandrin donne rythme, enracinement, conviction. Et, même sans rimes, je pensais à des poètes du XVIe, D’Aubigné, Sponde, des gens comme ça. Mais ton livre est de son époque, tragique, inhumaine, convulsive. Même si « Approche de l’âme » apporte un stoïcisme relativement apaisant. Une belle somme du XXIe siècle, vraiment. Je te souhaite, ainsi qu’à Christine (belles encres) un été créatif et récréatif. — Jean-Claude Martin, courriel, 11 juillet 2024
Je m’amuse beaucoup à lire en alexandrins de tels portraits décapants, “osés”, truculents et variés sur des sujets d’actualité qu’en effet La Bruyère n’aurait point reniés. Vous ne nous aviez pas habitués à une telle licence et, ma foi, vous m’en voyez réjouie. J’encourage fortement ceux qui n’auraient pas encore lu votre Finis litteræ à faire un détour par ses pages. — Elisabeth Lafont, Le Livre des visages, 11 juillet 2024.
Les sonnets de ta Finis litteræ, je les ai visités et y retourne. C’est marrant, c’est gonflé, c’est fortiche. Et tous mes amis sont là (constat de Mallarmé à l’enterrement de Verlaine) : Nerval, Char, Pérol, Chessex, Réda, toi, surtout toi... Tes portraits aiment ou cognent, ça me va (« Ça me boxe », comme disait Belmondo en parlant de Rimbaud dans un vieux numéro de Poésie 1). Tu évoques dans la dédicace « des idées qui ne m’iront pas toutes ». Sans doute, sans doute, mais on s’en fiche un peu, non ? Je crois qu’on a déjà cité La Bruyère à ton sujet. C’est bien vu, je reprends. Mais, surtout, tu es un poète de l’amour, du « Couple au clair » et de « La paix au large ». Oui, tu as la dent dure mais le cœur tendre. Et j’aime bien aussi, en vrac, au fil des sonnets ta « parole en ricochets » – beau pendant à l’autre, « en archipels » –, « La prière » (p. 58), l’hymne au père (p. 115), le « lilas-mitaine » (p. 77), « l’éléphant qu’on tue pour prendre sa défense » (ah, ah!). Et tes aphorismes, tes proverbes... J’arrête. Bel été à toi, à vous (je n’oublie pas la dame aux « Encres »). — Didier Pobel, courriel, 10 juillet 2024.
Ce que dit Alain [« une poésie de maximes »] peut être en effet partagé, notamment quand il dit que tes sonnets fourmillent de « vérités morales », énoncées au présent d’une manière affirmative et générale. C’est que tes sonnets, par leur forme classique et par le choix unique du « vieil » alexandrin, autant que par leurs contenus, sont proches de maximes qui se veulent universelles. Ce langage rappelle les sentences des XVIIe et XVIIIe siècle, parfois le XIXe (le cerf, un remake de « la mort du loup » ?). Poésie moraliste et combattante, utilisant une langue très classique et très ciselée, mais qui, de ce fait, s’éloigne du sensible, du vécu, de la singularité, de l’éphémère, de l’irréversible.
Pour ma part, je ne parlerais pas de « prosaïsme », mais plutôt d’une forme d’énonciation « judicative », qui situe le lecteur sur un plan qui n’est pas celui de la sensibilité mais sur celui de la logique analytique : les « propositions » énoncées invitent le lecteur à réagir par « vrai » ou « faux », c’est-à-dire par des jugements et valeurs de vérité plutôt que par empathie et résonance. Ceci dit, il faut admettre toutes formes et tous genres de poésie, même si cela semble à contre-courant des modes et tendances de l’époque. La poésie n’a pas de limites ! Je pense que ta poésie peut avoir des adeptes, justement par cette élégance classique de la langue française que tu manies avec brio. Transformer tes sonnets en maximes serait, à mon avis, leur enlever beaucoup de leurs charmes. Le rythme de tes vers, leur martèlement, leurs cadences, sont partie intégrante de ces « vérités morales » que tu énonces. — Gérard Mottet, courriel, 23 avril 2024
Tes sonnets, que j’ai lus, m’ont mis mal à l’aise et je me suis demandé pourquoi. Je crois avoir cerné ce qui me gène. Il s’agit d’une poésie de maximes, je veux dire que beaucoup de tes vers énoncent une vérité générale, au présent « universel ». Je pourrais en citer beaucoup, tes sonnets en fourmillent.
« La vie tient dans ce qui trouble, enchante, propulse. »
« La vie culmine au sexe, au partage absolu. »
« L’entité a besoin d’unité, d’une langue. »
« Le regret tolère l’abandon. »
« La honte est rare. Et nul ne s’agenouille plus. »
Cela produit un effet qui me semble curieusement prosaïque. D’une part, tu parles de généralités avec des articles définis (la vie, l’entité, le regret, la honte, etc...) et donc tu présentes une poésie de « moraliste », au sens noble du mot s’entend, Chamfort, La Bruyère. Disons que, en affirmant ainsi des « vérités générales » tu réduis au « sens commun » ce dont tu parles. Or, si j’écris de la poésie, c’est justement que je ne crois pas au sens commun, qu’il y a une part d’énigme, que nous ne savons ni ce que nous sommes ni où nous allons. Pour moi, la poésie commence là où cessent nos savoirs, là où nous ignorons. L’injonction de Supervielle, « Ne touchez pas l’épaule / Du cavalier qui passe » est possible en poésie parce que sa phrase est profondément énigmatique. Il nous donne un « mode d’emploi sans emploi. »
Voilà mon cher ami, très franchement, ce que je pense de tes sonnets. Il me semble que tu devrais plutôt en faire des maximes, les travailler comme La Bruyère. Ou bien, comme La Fontaine, mais là, il te faut quitter la forme trop brève du sonnet. Je pense aux nombreux poèmes où tu évoques une figure familière, ton père, ta mère, une cousine, un(e) ami(e). Quelle leçon de vie tirerais-tu de ces figures dont tu pourrais enrichir et préciser le portrait dans des poèmes plus longs !
Les poèmes qui m’ont le plus touchés sont les plus personnels, comme celui du cerf auquel tu te compares (p. 117) où il y a de vraies questions, sans réponse, et non pas de fausses questions rhétoriques.
Voilà voilà, mon cher, tu appréciais la franchise de Jean-François Mathé, j’espère que tu ne détesteras pas la mienne. — Alain Nouvel, courriel, 22 avril 2024