Pierre Perrin, Finis litteræ
Hors-série de Possibles lu par Paloma Hidalgo, puis Parme Ceriset

Cher Pierre, Je voulais, avec beaucoup de retard, pardon, te remercier pour Finis litteræ, un recueil qui m’a profondément touchée. À travers ces sonnets, j’ai pensé à Follain, Réda, Oster, Verhesen… Nature du temps, trans-science des choses, inexorabilité du vieillissement et de la mort... Cette conscience aiguë de la finitude humaine traverse chacun de tes vers, comme un murmure.
Chaque sonnet semble questionner la possibilité de rendre compte de la réalité par les mots, une démarche qui, pour moi, explore les frontières entre l’expression poétique et l’expérience. Tu nous invites à saisir l’insaisissable, à contempler ce qui échappe souvent au regard, et en cela, tu renouvelles notre relation au monde.
J’y vois également une perspective phénoménologique, où l’incarnation de la conscience et notre relation charnelle au monde sont centrales. Ta manière de capter le réel, non seulement en tant qu’observateur, mais en tant qu’être incarné, rend tes poèmes particulièrement vivants et émouvants. Chaque image, chaque sensation, nous lient un peu plus à cette réalité qui se dérobe.
Merci encore pour cette œuvre méditative. Elle m’accompagnera longtemps. Bien chaleureusement,
Paloma Hidalgo, courriel, 10 novembre 2024
- Finis litteræ, Hors-série de Possibles 2024, le recueil, les lectures, etc.
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Contemplant avec lucidité l’océan du réel, en équilibre sur le promontoire du langage, Pierre Perrin livre, dans ce recueil de sonnets, illustré par cinq flamboyantes encres de Christine Lorent, son regard sur le monde d’hier, d’aujourd’hui et demain, rendant hommage à ce qui a survécu, selon lui, au naufrage de la culture et des valeurs, et ne cherchant pas à sauver ce qui est parti à la dérive. « Un écrivain n’a rien à sauver, mais tout à écrire », dit-il. « Il tend la main nue et lève, à sa mesure, l’avenir. » Être poète, selon lui, est un sacerdoce : « Dire dévore. » Le poète, devenu arbre, « perd des feuilles à brassées, survit par le gui qui l’épuise ». Il y a un questionnement sur le sens de l’écriture : « Pour qui écrivez-vous, les enfants, les amis ? » Ou bien : « Noé prend dans son arche un livre bien écrit ? » Questionnement sur le sens de l’existence aussi : « Vous connaissez la vie ? Donnez-moi son adresse. »
Dans la première partie, intitulée ‘L’Époque fait le poirier’, Pierre Perrin évoque une perte des repères qui selon lui menace les nouvelles générations : « Les droits tuent les devoirs. Il faut tout obtenir. » Il fustige la tendance moderne du nivellement par le bas qui accorde à qui sait « animer un écran » la même valeur qu’aux plus grands écrivains. « De Proust, d’un illettré, lequel est plus égal ? » Et encore : « Égalité oblige. Un rien vaut l’excellence. » Il regrette aussi une inversion, une « danse des valeurs » : « L’agresseur se prétend la victime, et l’enterre. […] Les mots perdent le sens, tel un humain son sang. » Une grande lucidité donc, dans le regard porté par Pierre Perrin sur ses contemporains.
Mais comme disait René Char : « La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil », et c’est ainsi que dans le chapitre ‘Le Dit d’amour’, dans le « balancier sidéral où chaque homme est poussière », l’amour enfin « ouvre une fenêtre » et le poète a une « révélation » : « Tout était existence. / Chaque homme est une étoile et brille à l’intérieur. » L’auteur reste persuadé que « rare est l’abnégation ; l’intérêt la remplace », mais il a cette phrase magnifique : « L’amour nous fait prendre le large de vivre. » De belles déclarations sont offertes à la femme aimée : « Qui s’abreuve à sa bouche ouvre une mangue fraîche. » L’osmose entre deux êtres ouvre, semble-t-il, un chemin vers l’infini, et, si l’immortalité est écartée, l’art, en se faisant gardien des instants vécus et des sensations, s’en rapproche parfois. La question semble en tout cas posée : « Dans des livres perdus, qui entendrait la mer ? »
Pierre Perrin en est convaincu, même dans sa pleine puissance, l’écriture ne peut rien contre la cruauté des hommes. Il s’émeut d’un cerf chassé en train d’agoniser : « Les arbres l’abandonnent. L’odeur du sang l’épuise. Il voudrait se blottir. […] Les hommes sans pitié ne cessent pas de rire. » Comment trouver un sens dans un monde où règne la violence aveugle ? Où une mère enterre un fils mort au combat ? Où « l’auteur du crime échappe aux graines de l’enfer » ? Où « la guerre tient la porte où les autres se meurent » ? Voilà un aperçu du bouleversant voyage que nous offre cet l’ouvrage au cœur de la condition humaine.
Parme Ceriset, Le Livre des visages, 11 novembre 2024