Pierre Perrin, Des jours de pleine terre, Al Manar
lu par Jean-Pierre Georges, Emmanuel Godo, Fabienne Schmitt, Jacqueline Saint-Jean, Raymond Perrin, Colette Fournier et Alain Duault

Cher Pierre, je te retrouve dans le bien beau Des jours de pleine terre – bel écrin chez Al Manar, on en rêverait. Pas question d’exégèse, tu t’en doutes, juste quelques syllabes de connivence. Hélas, on se retrouve blanchi comme au passage d’une diligence – de mémoire, une image d’Yves Martin, mais c’est à peu près ça. Ton lyrisme rugueux tient la route – je le savais. Parce que tu as l’art de nous serrer le kiki, qu’on le veuille ou non. Moi je serais plutôt pour la fuite, toi tu ne renonces pas à l’affrontement, quitte à prendre les coups, les bons comme les mauvais, of course. Ton écriture a une colonne vertébrale, c’est sûr, elle s’érige. Et tu obliges ton lecteur à se redresser (suis-je clair, je me le demande). — Jean-Pierre Georges, courriel, 7 avril 2023
- Des jours de pleine terre, Al Manar, octobre 2022, le recueil, les lectures, etc.
La présentation du volume chez l’éditeur
- Une page récapitulative des principaux retours, articles, dossiers et signatures
- Une note de lecture par Gwen Garnier-Duguy, in Littérature(s), Juillet 2024
- Un article par Paloma Hidalgo dans Esprit, mai 2024
- Une note de lecture par Pierrick de Chermont [3 septembre 2023
- La lecture du dossier Pierre Perrin dans Poésie/première n° 86 par Jeanne Orient
- Une lecture des deux premières sections du recueil par Yveline Vallée [août 2023]
- Réalisé par Isabelle Lévesque, un entretien pour Terre à ciel, juillet 2023
- Sept retours de Jean-Pierre Georges, Emmanuel Godo, Fabienne Schmitt, Jacqueline Saint-Jean, Raymond Perrin, Colette Fournier et Alain Duault
- Un dossier [article et entretien], dans la revue Livr’arbitres n° 41, mars 2023
- Un article d’Olivier Stroh, sur sa page Lettres, 26 mars 2023
- Les hautes terres de Pierre Perrin, par André Ughetto [12 mars 2023]
- Un article par Alain Roussel sur le site En attendant Nadeau, 8 mars 2023
- Une étude d’Emmanuelle Caminade, pour L’Or des livres, le 26 févier 2023
- Article de Ridha Bourkhis dans La Presse de Tunisie, le 23 février 2023
- Poème Hommage à René Char lu par Pierre Perrin [vidéo 1,31 mn]
- Courriel de Philippe Colmant, 7 février 2023 et courrier de J. M. Sourdillon
- Article de Daniel Guénette sur son blog québecois le 31 janvier 2023
- Courriel de René de Ceccatty, lettre de Michel Leuba et article d’Alain Nouvel sur RAP
- Jeanne Orient, texte et présentation vidéo de 6 mn 10, 19 janvier 2023
- ‘L’atelier’ lu par Marilyne Bertoncini [vidéo de 1 mn 50]
- ‘Force de l’ignorance’ lu par Catherine Humbert [vidéo de 2 mn 23]
- Jacques Morin, article pour revue Décharge, 27 décembre 2022
- Marie-Thérèse Peyrin, Le Livre des visages, 5 décembre 2022
- Retours de Virginie Megglé, d’Émile Eymard, Danièle Corre, Milouine, Marie Desvignes et Jean-Claude Martin, nov-déc. 2022
- Un choix de six poèmes par Georges Guillain, le 13 nov. 2022
- Une lecture de Georges Guillain, le 10 novembre 2022
- Une lecture de Didier Pobel, le 5 novembre 2022
- Une lecture de Gérard Mottet, le 31 octobre 2022
- Une lecture de Philippe Leuckx, le 30 octobre 2022
- Pierre Perrin, Envoi pour Des jours de pleine terre
- P. P. Éloge de la poésie [et comment je suis venu à elle]
Des Jours de pleine terre, il ressort, d’abord, une impression de densité et d’unité. C’est toute une vie en poésie que vous offrez au lecteur de parcourir après ou plutôt avec vous. Dans une architecture qui dessine ou souligne un sens – un sens qui ne replie pas, qui ne réduit pas, mais qui oriente, qui assume avec courage de désigner sinon un chemin du moins une avancée, comme on dirait : voilà à quoi je me suis heurté, à quels gouffres je me suis affronté, dans quel “monde” j’ai vécu, mais maintenant, je peux dire que la vie, malgré les cahots de la route, a un sens – et je vous le fais entrevoir, armé de quelques patiences, de quelques soutiens qui sont nommés, comme hommages ou dettes.
Je parle de courage car beaucoup de poètes fuient cette responsabilité-là. Vous, non. Alors le recueil se ressent des à-coups de l’existence, il ne cherche pas à lisser les choses : l’unité dont je parle n’est pas une façon de gommer les aspérités ou les dissonances, non, celles-ci demeurent et c’est tant mieux. Il y a bien un écho et des traces de ce qu’on pourrait appeler le foutraque de la vie, son burlesque aussi, parfois, et cela, c’est une autre forme de courage : de ne pas projeter la vie dans une sorte de nacre qui en dénaturerait la texture, le composite, l’irrégularité.
L’unité dont je parle est celle-ci : d’un homme qui veut trouver les mots qui témoignent de la façon la plus vraie de l’existence. Et les transmettre. Ce qui rend votre recueil hospitalier, offert à la déambulation, à la compréhension, invitant le lecteur, en regard, à tenter, à son tour, avec la même loyauté, de lire sa propre trajectoire. — Emmanuel Godo, courriel, 15 avril 2023.
On lit des livres, on les aime un peu, beaucoup… et on les oublie souvent ensuite. Finalement, il n’y en a pas tellement qui gardent leur place dans nos bibliothèques, ceux qui ne quitteront plus leur étagère, sauf pour être relus par plaisir, et ce d’autant plus lorsqu’on n’a pas la place pour une pièce à leur dédier. Celui-là restera avec moi. Celui-là a l’odeur de la terre, de l’enfance, (avec toujours l’allusion à la mère), de l’amour, du beau et du laid, de la guerre, du monde. C’est le dernier livre de Pierre Perrin, Des Jours de pleine terre, où chaque poème est un témoin, vibrant de page en page, de phrase en phrase, où chaque mot est choisi comme on choisit un cadeau : « Le livre sur la table, à la façon d’une longue lettre / Le poète y est tout entier – si loin que soit le corps. » C’est un parcours de joies, de colères, de doutes, de tendresse, bourré d’une sensualité et d’un réalisme envoûtants : « La mémoire aux yeux battus, l’enfance clouée vive / Sur la porte, le jour cherche à lever la caresse. » La finesse de la rédaction, dans son classicisme des lettres, ne manque guère de modernité. On ne résiste pas à tourner la page suivante, encore et encore, tant la force de l’écriture vous happe obligatoirement et vous retient, vous remplit d’émotion perpétuelle. Chemin de vie parfois torturé, charnel, mais tellement vivant, chemin de terre dont l’odeur de chaque parcelle vous retient le souffle, chemin d’ivresse : « Les mots roulent sur les lèvres / Comme des cerises. / Les doigts courent partout, / Plus clairs que la lumière. » C’est un regard sur le monde aussi : « Face à l’arbre, l’homme, trois fois rien. » C’est un livre que l’on ne finit jamais de lire, parce qu’il est riche et vous prend au coeur. — Fabienne Schmitt, Le Livre des visages, 22 juin 2023.
Des jours de pleine terre offre une « synthèse du vécu » [Guillevic] très intense. En cinq mouvements, le nombre de l’humain, à cinq branches, un chemin de mots où se cherche le sens d’une existence. La lucidité ne cache ni les illusions « à la trappe », ni les singeries ambiantes. La plume s’aiguise pour dénoncer les exploiteurs, les malfaisants, les hypocrites, les arrivistes, l’horreur toujours recommencée. L’écriture déjoue sans cesse l’apparence classique par l’impair, les enjambements, le mètre irrégulier, les syncopes, les changements de rythme ; elle est mouvementée, narrative parfois, très sensuelle, érotique, surprenante par ses images et ses enchainements. Toujours riche et maîtrisée, cette langue à soi. J’ai particulièrement apprécié les évocations si justes de la terre, des céréales, des présences animales, hibou et chouette par exemple : « les bêtes plus belles que des presse livres, d’une sérénité d’icônes » ; les poèmes d’enfance, la beauté des poèmes d’amour ; et aussi le sens percutant de la formule. – Jacqueline Saint-Jean, courriel, 6 septembre 2023
Pierre, ce livre [Djpt] est une somme, la somme d’une vie d’écriture poétique. Démarche capitale, bravo. Dans les mains, qu’en fais-je ? Un rituel : tous les jours, après le déjeuner, au café, je lis un ou deux textes, pris selon l’humeur ou le titre. Et c’est un moment savoureux. Merci pour ce plaisir quotidien. Tout est annoncé dans le titre de l’ouvrage et déjà j’aime ce titre programme. La poésie fait corps à tout ton être. Ton vécu s’incarne en elle et en fait sa grande valeur. Tu réussis même à évoquer les réalités les plus concrètes, voire les plus charnelles, torrides parfois, avec grâce, justesse et beauté. C’est tout ton talent.
Ce qui est appréciable dans ta poésie, c’est que ce besoin d’être en accord permanent avec le quotidien de la vie immédiate, le tien, le nôtre, ou lointaine, les actualités comme on dit, fait de ton écriture un témoignage précieux. Ton prisme poétique exigeant, efficace, fin, nous livre ces tranches de vie heureuses et douloureuses, avec légèreté ou gravité selon le sujet. Et cette restitution parle aussi de toi, de tes instants de plénitude comme de tes peines, une expérience de vie d’humain, en somme. – Raymond Perrin, courriel, 12 septembre 2023
Je répugne, vous le savez, à évoquer les livres rédigés par des amis, et quand il s’agit de Pierre Perrin, dont l’attention m’a toujours touchée, c’est encore plus délicat. Il faut bien que je vous dise pourtant que ce qui est pour moi éminemment éloquent dans cette lecture, que ce qui me frappe, est la force sincère, tellurique, et pesée des mots qui n’ont peur de rien, sans lyrisme ni guipures. La terre d’enfance de Pierre résonne de loin, dans une France rurale, étriquée, besogneuse, bigote, où la terre ne vous sourit pas, matrone sèche que hante l’ombre de la mère. Le verbe n’est pas d’espoir, rien ne vous caresse mais si les mots étrillent au passage, la promesse de l’amour s’immisce néanmoins. Et la passion intacte de l’écriture, ambitieuse, parfois teintée d’amertume, pugnace et authentique. « Va mon livre, ne meurs pas ». Le labeur n’est pas fini. — Colette Fournier, Le Livre des visages, 6 décembre 2023
Vos Jours de pleine terre, quelle odyssée ! Une longue marche, les pieds dans la glaise ou la boue, la tête dans les étoiles, le ciel parfois vide avec ces moments terribles (le meurtre du chien « tu trente ans »). Et tous ces souvenirs tissés, ceux de la maison d’enfantse, ceux, pudiques, d’amour. Et toujours cette sensualité discrète, non appuyée, mais fortement présente, avec des images superbes (« le chemisier volubile »). Merci pour ce livre au long cours. Continuez. « Le tout est de tenir debout dans la prison de lumière. » — Alain Duault, courrier, 14 juin 24