Article de Paloma Hermina Hidalgo dans Esprit mai 2024 pour Des jours de pleine terre de Pierre Perrin
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  • Pierre Perrin, Des jours de pleine terre, Al Manar
    Article de Paloma Hermina Hidalgo dans Esprit mai 2024

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    « À vivre autrement, le monstre en chacun recule-t-il ? » Quel meilleur guide que cette vérité sans complaisance, et pour cela même prophétique, pourrait nous accompagner dans la lecture de ces Jours de pleine terre ? « Choix de poèmes » grâce auxquels Pierre Perrin a su recréer « le visible, l’invisible, l’indivisible de l’amour ». Expérience cruelle, hardie et apaisante, la transmutation de cet amour en style sera réalisée, tout au long de sa vie, par Perrin, poète, écrivain, critique.
    S’il partage avec les maîtres du roman contemporain l’art de capter le temps sensible, il le fait à sa façon incomparable, fort de cette inhumaine sincérité, qu’épouse le plaisir de l’homme et de la femme. Si « je » me réconcilie avec « l’objet » (objet primordial, objet maternel), il n’y a plus de sujet ni d’objet, et le « moi » se dissémine, incorporé dans l’écriture de l’être : « Que cherchons-nous dans notre nage, ivres de sel croisé de fruits, que la terre à la mer apporte, sinon le feu qui nous contente, la plénitude où notre sort coulera sans un cri, tel un voilier dont la course était pure – et mérité le repos ? L’espace parcouru, les pôles se confondent »


    Demeure le pur temps incorporé, à l’instar de celui retrouvé de Proust, que l’auteur modèle à sa manière : moins métaphysique, plus allègre, d’une sensualité plein la gorge, plein la langue :

    « Aux galbes
    De neige sous l’insolence des groseilles à téter,
    Une ignorance tourne en lait. »

    Telle est la jouissance de Perrin, profuse et éparse : elle comprend la décharge virile sans se limiter à son pouls ; se prolonge en syncopes dans les recels du corps. Indissolublement, sens, son, sensation : « Chacun sent que le désir n’épuise aucun détour. »
    Écrire à l’œil. Soit : transmuer sa fièvre en plaisir de bouche et d’oreille : voilà le seuil où Perrin cherche sa vérité, et dont la justesse charnelle de son timbre ne s’écarte jamais. Langue dans ce qu’elle a d’absolu, indistincte de la perpétuelle naissance de l’être lui-même :

    « L’air frais sur les joues, la vie ravaudée, l’avenir
    Dépiauté comme une poire par une pie, il reste,
    Au creux de la paume, une odeur de blé en lait. »

    Paloma Hermina Hidalgo, Esprit, mai 2024>

    L’Article de Paloma Hidalgo sur le site de la revue Esprit.

    Article de Gwen Garnier-Duguy [juillet 2024], in Littérature[s]

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