Article de Jacques Morin dans Décharge sur Des jours de pleine terre de Pierre Perrin
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  • Pierre Perrin, Des jours de pleine terre, Al Manar
    Article de Jacques Morin dans Décharge le 27 décembre 2022

    couverture

    « Poésie 1969-2022 ». C’est dire que le volume est complet. Cinq parties jalonnent cet ensemble structuré.

    Aussitôt on est frappé par la forme visuellement très classique des poèmes : des vers à majuscules distribués en strophes comptées. Des vers bien balancés allant de 10 à 14 syllabes généralement, avec des rejets et enjambements comme de juste. On semble parti pour une poésie classique, un rien monotone et ennuyeuse. Mais Pierre Perrin se sert de cet outil formaté et contraint à sa guise pour se raconter et narrer aussi bien son enfance que ses amours, ses doutes que ses indignations. Mettre une prose rutilante dans un cadre ferré.



    Et d’abord les relations glaciales avec sa mère : Je ne me souviens pas de m’être assis sur ses genoux, / De m’être blotti contre sa poitrine… et plus loin : Elle fait abattre le chien qui n’a pas six mois, / Pour mes dix ans, car il mange trop… Jusqu’à son décès : Je croule de l’âme.
    Ensuite, le doute, sur ses capacités d’écrivain. Avec ceci comme transition : L’âme aussi s’efface et, folle, disparaît. On la retient / Mal entre les doigts. Et cet exergue révélateur : Je n’écris pas pour vivre. / Je vis pour écrire. Également un poème appelé « Le Poète », à la troisième personne, mais qui est bel et bien un autoportrait. Ou cet autre vers catégorique : Ses pauvres mots ne vaudraient pas un pissenlit séché.
    Viennent ensuite les amours. C’est là que le revuiste de Possibles réussit le mieux. Sa sensualité alliée à l’art fait merveille. J’aime souffler ton peignoir telle une buée. Il sait aligner les trois points cardinaux : « le désir, le sexe, l’amour ». Avec cette entame du poème « Évidence » : Mes jours entre tes jambes, tes nuits dans mes bras…
    Suit une partie horreurs où il mêle tout ce qui lui répugne et qu’il dénonce avec virulence aussi bien « Jean le Matois », que « Caligula comtois », avec ce vers : Parfois le cou s’étranglait entre ses mains… La Grande Guerre, Tian’an men, Des gazaouis regardent le monde avec des paupières / Barbelées. L’Ukraine… Enfin un long texte consacré à Courbet, du même pays que lui, qui se conclut ainsi : Fils unique, je chéris ta mémoire comme un frère.
    Dernière partie avec une recherche de l’équilibre. Exergue du poème « La Vérité au cou » : Va, mon livre, ne meurs pas, lequel se termine ainsi : du don de soi, surgit un rai de bonheur. Enfin pour renouer avec le titre : Reine du temps, ma terre, joue sur nos lèvres / berce nos jours… Et ce vers final en guise de « Salut » : C’est notre vie, ce bloc de douleurs et de joie, cet interstice, et notre mort.
    Le livre est une somme (166 pages) où Pierre Perrin se livre sous toutes les coutures de sa poésie et de son être. Les tonalités se suivent et se mélangent : lyrique, pathétique, élégiaque, polémique… Plus de 50 ans de poésie en un seul livre.

    Jacques Morin, sur le site de sa revue Décharge le 27 décembre 2022

    Accès à la présentation de Jeanne Orient [+ vidéo] —>

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