Carmen Pennarun a lu Une mère, le Cri retenu, Cherche Midi 2001
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  • Échos à Une mère, le Cri retenu
    Par Carmen Pennarun, Le Livre des visages, 29 octobre 2022

    couv. Une mère, chez l’éditeur

    « Le récit de Pierre Perrin, Une mère, Le cri retenu, publié au cherche midi éditeur, je l’ai lu deux fois. Après chaque lecture il m’a fallu le poser, je ne pouvais rien dire de plus que ce que l’auteur avait confié à ses lecteurs. Celui qui vient en ami s’ouvrir à vous – au point de devenir transparent – on ne peut se risquer à trahir ses mots, à interpréter ce que lui-même a mis des décennies à reconsidérer. En matière de citation je n’en relèverai qu’une, page 59 : « Élevé dans le silence, le silence m’élève peut-être où ma mère m’a porté. »
    Le livre est construit en six parties où évolue la vie de la mère sous le regard de l’enfant. Voici les titres des parties qui composent le récit, elles sont poèmes qui ouvrent fenêtres sur la maison du souvenir, jusqu’à ce que la lumière la pénètre, entièrement : Le voile de l’oubli pèse plus qu’un linceul… La vie se passe à appeler un bonheur qui recule à mesure qu’on l’approche… La caresse donnée, la terre la reprend… La tendresse — atroce, de rester sans objet… Tout être qu’on oublie est la preuve a contrario de notre néant… Oublie la fosse où le corps n’est plus… Chaque partie est coupée par une scène de vie écrite en italiques et qui se poursuit par le cheminement de la pensée du fils regardant le passé à partir du miroir du présent où petit à petit se recompose le visage, enfin regardé, de l’absente.


    Un cri avait été enseveli en même temps que le corps de la mère. Par cette œuvre d’écriture, l’auteur le ressuscite de la mort, et il renaît en mots. Défiant l’oubli auquel sa mémoire se refuse, et la haine sur laquelle plane encore, vingt ans après, un doute, le fils ose exhumer ses souvenirs afin que l’amour puisse croître et élever la relation mère/fils jusqu’à quelque chose de tangible, une relation tout autre que le naufrage de l’amour qui a été éprouvé jusqu’à la fin de la vie de la mère. L’amour, parfois, a une croissance tardive.
    Tout ce silence ressenti comme un mur infranchissable, une distance de coeur à coeur, se transforme en compassion face aux difficultés comprises de la vie de la mère. Ce qui était pris pour de la résignation, pour un consentement à la réalisation de tâches ordinaires, Pierre aurait voulu y souffler son esprit d’insoumission, sa fantaisie, y installer des moments de complicité. Au lieu de cela il s’est lui-même enfermé dans le mutisme ou la révolte, ne quémandant plus, après avoir été repoussé, aucun geste d’amour.
    Cette mère, en apparence froide, avait marqué à vie l’enfant par son mutisme, par son application à mener à bien sa vie, la tenue de sa maison, ses activités de couture, l’entretien de son jardin, le soin aux animaux, les travaux de la ferme… et plus tard sa participation à l’entretien de l’église, du cimetière. Elle assumait sa vie et ses responsabilités avec les moyens qui étaient les siens, cela lui permettait d’atteindre une sorte de paix, et l’enfant qui en était témoin se sentait exclu, car il ne parvenait pas à pénétrer cette bulle.
    Le cri retenu était celui de la mère que son fils accueille enfin. »

    Carmen Pennarun, Le Livre des visages, 29 octobre 2022.

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