Je frotte mes mots comme des silex
Article d’Angèle Paoli sur Terres de femmes, 2015

Par l’entremise de l’exergue sont mises en évidence les fréquentations littéraires d’un écrivain, ses lieux et ouvrages de prédilection. En choisissant Montaigne et, dans les Essais, le chapitre I « Que philosopher, c’est apprendre à mourir », Pierre Perrin ouvre pour le lecteur un chemin de réflexion dans lequel la mort a son mot à dire. L’auteur du récit Une mère, récit à caractère autobiographique, côtoie sans cesse la mort et conduit le lecteur vers elle. Celle en premier lieu du père mais surtout celle de l’être le plus chéri au monde. La mère. Un amour resté en suspens, en-deçà de la parole, gardé au secret dans le silence. Jusqu’à l’incompréhension. Une incompréhension réciproque qui taraude le narrateur, l’interroge sans relâche, nourrit sa pensée et certains de ses actes, le pousse dans les moindres recoins de ses contradictions ; et justifie à elle seule le sous-titre Le cri retenu. Qui devient titre à part entière.
Le cri de la mère celui du fils à jamais arrimés l’un à l’autre, l’un et l’autre tenus en suspens au-dessus de l’abîme.
Une mère. « À nos mères ». Derrière l’indéfini du titre, qui voudrait noyer la mère dans l’anonymat, ce sont toutes les mères que Pierre Perrin cherche à rejoindre en dédiant son récit « à nos mères ». Mères plurielles, dont celle de l’auteur n’est que l’une d’entre elles, parmi tant d’autres. Unique cependant, parce que sienne. Elle est sienne et elle est « Rose », une paysanne née dans l’entre-deux-guerres, éduquée à l’ancienne, c’est-à-dire selon le rude mode des campagnes, en vertu duquel, à douze ans, une fois obtenu le certificat d’études, les filles rejoignaient les champs l’étable les travaux de la ferme en attendant d’éventuelles épousailles. D’études, point. Cela n’était pas discutable. De tendresse, pas davantage. Les temps ne sont pas aux effusions. C’est de cet univers — qui comporte toutefois ses plaisirs et ses découvertes — qu’hérite le jeune garçon. L’adulte, lui, bien des années plus tard, tente de recréer de mémoire le lien qui l’unissait à sa mère dans le monde rural qui était le leur. Une relation tissée de solitude mal partagée, entre un père que l’enfant perçoit comme délaissé par son épouse, et une mère taiseuse et triste qui s’acharne au travail rabroue son fils le taloche parce que sans cesse insatisfaite de lui. Sans doute parce qu’elle voudrait pour lui ce meilleur dont elle a été privée, exigences inaccessibles qui font de l’enfant un rebelle.
- Quarante-huit articles ou retours de lecture pour Une mère, le cri retenu et cinq brefs extraits du récit
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- Étude par Daniel Guénette sur son blogue, 26 juillet 2024Quel embarras pour les historiens au moment de choisir les plus beaux extraits d’Une mère, les plus représentatifs de la qualité de l’écriture de l’auteur ! Sa prose est remarquable ; par moments, on croirait lire quelques-unes des plus belles pages du répertoire français.
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- Nouveaux retours courant 2023-2024 dont un article de Pascal Adamet échos d’Annie Christy, Michel Lamart, Patricia NeverTal, Aline Angoustures, sur Le Livre des visages
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- Marie-Christine Guidon, in Florilège n° 189, décembre 2022Avec ce « cri retenu », Pierre Perrin nous fait pénétrer son intimité et ses déchirements aux accents de confession. Même si « la littérature… ne peut rien contre la mort » « l’amour est presque aussi fort que la mort ». La virtuosité du verbe, telle une corde tendue, confère une valeur holistique à cet ouvrage bouleversant qui vient bousculer les certitudes les plus « encrées ».
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- Carmen Penarum offre sa lecture du récit de Pierre Perrin le 29 octobreElle écrit entre autres que Le cri retenu était celui de la mère que son fils accueille enfin
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- Onze nouveaux articles et retours durant 2022 [ordre décroissant]Michelle Ronin, Anne Cécile Lécuiller, Dan Burcea, Anne-Marie Meneguzzo, Béatrice Courraud, Arielle Burgelin de Hugo, Flora Fleur, Jacques Roland, Henri-Pierre Rodriguez, Fabienne Schmitt.
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- Trente extraits des principaux articles et retours [ordre décroissant]Le dernier qui fut le premier : « Lisez ce livre. » – Bernard Pivot, Apostrophes, 23 février 2001.
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- Jean-Pierre Poccioni, lecture d’Une mère [oct. 2018]En conclusion, un texte qu’il faut lire pour donner un sens véritable à l’expression souvent galvaudée de littérature inclassable. Car si le talent de Pierre Perrin est indiscutable et enchante ou surprend en permanence par mille découvertes stylistiques, ce qui reste est cet engagement quasi vital, cette forte et belle aventure humaine de l’écriture.
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- Murielle Compère-Demarcy, lecture d’Une mère [sept. 2018]Ce livre n’est pas seulement un « récit » autobiographique, puisqu’il s’adresse « à nos mères », à savoir à cette figure incontournable et mystérieuse de nos singulières mythologies personnelles. « Pour l’enfant de la campagne qui se croit indésiré », lit-on en quatrième de couverture, « l’affection est rare et rude, à la mesure du mutisme, etc.
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- Alain Nouvel, À la recherche d’Une mère perdue ?Le temps fait son œuvre d’effacer puis de ramener au jour, comme peuvent le faire les saisons ou les marées. Ce cri retenu et pourtant poussé comme pousse un arbre, peut enfin se lire. Mais c’est une lecture brûlante et tourmentée, comme le fut son écriture. Ce n’est pas une lecture de tout repos, ni fluide, c’est les méandres de la mauvaise conscience, de l’orgueil, de toutes les passions humaines, comme des montagnes qui rendent les sinuosités indispensables pour que le courant progresse.
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- Joëlle Pétillot, Deuxième lecture d’Une mère, 2017Ce qui m’a touchée le plus dans ce récit est l’honnêteté, la clarté avec laquelle l’auteur parle du livre lui-même, de ce que lui coûte (ou non d’ailleurs) son récit, la remontée de ce fleuve d’ombre, ce visage aimé-haï qui n’en finit plus de se “racheter”, comme on rachète un être indocile passé un temps de l’autre côté. “Ma mère durant tout ce temps n’habitait jamais qu’un fragment rarement porté à la lumière, si souvent sombre pourtant, de moi-même.”
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- Françoise Roubaudi, Lecture d’Une mère, 2017Dans le livre de Pierre Perrin, Une mère, je cherche la mère, selon le titre. Elle apparaît souvent, bouleversante et rugueuse : « La nuit la surprenait à l’ouvrage, les bottes lourdes, les gants maculés de terre » (page 32) Et aussi : « Elle joint à sa lettre un brin de mimosa […] Ce brin, je l’ai regardé, senti et effleuré de mes lèvres, il est rempli de mes pensées et de mon amour, en attendant de vous redire mille fois que je vous aime
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- Marie-Josée Christien, Les Cahiers du Sens n°27, juin 2017En lisant ce récit poignant de Pierre Perrin, comment ne pas adhérer à cette pensée de Baudelaire : « Le poète est un enfant qui se souvient » ? Le poète Pierre Perrin est un enfant qui « lève le voile de l’oubli, plus lourd qu’un linceul » et se souvient de ce qu’il a voulu effacer de sa mémoire. Il se souvient de son enfance rude, aux relents amers, de la sourde violence qui longtemps a occulté ses souvenirs
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- Note de Françoise Ruban sur son blogue, 8 novembre 2016
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- Note de lecture de Marie-Josée Desvignes [le 17.5.2016]Il est des livres qui réclament qu’on les rouvre à la première page, sitôt la dernière tournée. Il est des livres dont on ne comprend pas que l’on ait pu passer à côté sans les voir. Il est des livres qui longtemps nous suivent parce qu’ils parlent au-delà de l’âme, à ce qui, au plus profond de nous, n’attend que de se dire, dont l’écriture bouleverse tout autant que le propos. Une mère, Le cri retenu fait sans aucun doute partie de ceux-là…
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- Article de Philippe Leuckx sur revue Texture, 2016Les aveux sont nets et coupants comme seule la grande littérature peut inciser : s’il faut des comparaisons, citons Blesse, ronce noire de Louis-Combet ou La peau sur les os d’Hyvernaud ou encore La première habitude de Françoise Lefèvre. Puisque la grande littérature s’offre sans apprêts, glaçante s’il le faut, hallucinante de vérité…
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- Article de Marilyne Bertoncini dans Recours au poèmeDe son style-scalpel, Pierre Perrin fouille ses souvenirs, sculptant, remplaçant – par l’itération de ses boucles et reprises – l’éternité jamais atteinte de l’éternel retour. Par l’écriture, il redonne chair à un fantôme – et c’est la chair des ses mots. Par touches, comme un peintre…
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- Article d’Angèle Paoli sur Terres de femmes, 2015Un très beau livre qui touche en profondeur, tant par la qualité d’une écriture très personnelle que par l’exploration sensible des sentiments qu’elle donne à vivre. Et à partager. Une fois le livre fermé…
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- Lectures de Franck Balandier et Ève de Laudec, février 2016Au fil des interrogations adressées tout autant à sa mère qu’à lui-même dans le labyrinthe des possibles, on accoste aux nœuds de chagrin, que l’auteur tente de démêler. Il questionne sa mère plus librement depuis qu’elle est morte, et ce parcours d’écriture le conduit doucement à certaines réponses avec lesquelles il devra s’accorder, s’encorder.
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- Bernard Pivot, Didier Pobel et Claude Michel Cluny, 2002Dans l’art d’esquisser des fresques que ne renierait pas Courbet. Dans cette manière rude et douce à la fois, pieuse et révoltée aussi, de creuser des phrases comme des sillons que le narrateur traçait, enfant, cramponné aux manettes du tracteur “Pony”. […] Se souvient-on que ses bouleversantes Chroniques d’absence étaient déjà vouées à celle qui l’engendra ? On mesurera par ce rappel toute la constance d’un écrivain qui, à jamais l’œil rivé par-delà l’épaule du néant, offre à sa génitrice – et, partant, à toutes les mères – un poignant témoignage, tout à la fois révolté et apaisé, de fidélité filiale. « La sérénité réside dans la tâche accomplie. »
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- Pierre Ceysson, Christophe Dauphin et quelques autresJ’ai relu le Cri retenu. J’en ai retrouvé l’émotion faite de déchirement, de violence, de souffrance contenue que l’écriture cadre. Les textes poétiques sont remarquables de cristallisation sensible : sans doute, ce qu’il y a de plus “retenu”, donc de plus de plus dense et de plus “appellant” dans la lecture. Le tissage du cri (de la première à la dernière page), le début qui se rédime dans le dernier paragraphe ; le “dépecé”, le tas de fumier, les rats, le concret sous les doigts (dahlias) et le regard (séminaire, champs), les formules terribles et les titres venus de la “terreur initiale” et la culpabilité de l’abandon : tout cela m’a ému et me paraît solidement ancré profond
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- Marie-Françoise in le café littéraire luxovien, 2002Le Cri retenu, c’est celui que l’auteur voudrait qu’enfin sa mère entende à travers ces pages où il se livre, où il la livre, sans fard. Déplorant de lui avoir manqué, essayant après bien des années de la comprendre, de s’approcher par bribes de son secret emporté dans la tombe. Ces pages, il les écrit comme une confession : « L’admiration qu’elle méritait ne montait pas vers elle » ; « je t’ai martyrisée sans y penser, sans réaliser que ton cancer m’était dû. » De nature peu portée au rire…
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Peu encline à accueillir les gestes tendres de son fils — ceux-ci résonnent dans le vide comme un appel désespéré —, la mère entretient chez son rejeton un sentiment proche de la haine. Leur difficulté à se comprendre, à communiquer, à se sentir au diapason l’un de l’autre, renforce l’enfant dans sa cruauté. Le sentiment d’impuissance, l’insatisfaction permanente de ne pouvoir atteindre celle que l’enfant aime en silence et de la fléchir afin qu’elle accepte de lui cet amour indicible, poussent le garçon jusqu’à souhaiter la mort de celle qu’il chérit pourtant à en mourir. Et cet amour perdure, par-delà les années écoulées, par-delà la séparation définitive. L’inéluctable travail des ans sape les souvenirs et la mémoire se révèle faillible, qui transforme à sa manière le peu qu’il en reste ; de sorte que l’on en vient à se demander si le désaccord profond entre ces deux êtres a bien été réel ou s’il est imaginaire. Et les doutes persistent aussi chez l’adulte, qui le soumettent à la torture du remords et le laissent sans réponses.
« Je reste le cœur dévoré d’incertitudes. Les reins cordés, les côtes striées de nœuds jusqu’aux épaules depuis des années, les remords rabattent comme la fumée dans une cheminée. Tout ce que je ne t’ai pas donné, tout ce que je t’ai volé de naturelle tendresse, de joie, de paix, qui m’auraient peu coûté, monte dans ma gorge, coud mes paupières sans contenir mes larmes. C’est trop tard, irrémédiablement, voilà que je t’aime. Tu n’es plus là pour sourire, de tes lèvres si tristes, qui ne sifflaient pas l’amertume. Insultée parfois, saisie à la gorge, tu me rejetais sans violence, tu pleurais. Tu ne condamnais que mon orgueil. »
L’écriture permettra-t-elle — à celui qui n’a, jusqu’à la mort de la mère, « retroussé que du vent » — de recoudre les blessures, d’entamer un peu la digue élevée contre la mère et de recréer son visage ? De lui restituer « le timbre de sa voix » ? De percer des secrets demeurés impénétrables ? Difficile entreprise que cette quête éperdue contre le temps et contre le poids du silence. D’autant que la disparition de la mère s’est faite sans le fils. Du reste, si peu d’éléments tangibles demeurent. Quelques lettres égarées quelques pauvres clichés qui « tireraient des larmes à une pierre ». Comment retrouver sous les traits flétris et gâchés de la vieille femme décharnée ceux de la jeune fille innocente et fraîche que « le malheur n’a pas encore frappée » ? Sur quelles données s’appuyer pour comprendre ce qui a pu se passer entre le père et la mère, ce qui a fait de leur histoire à tous trois un trou noir insondable tissé d’animosité de rancœur et d’impossible partage ?
« Écrire, c’est aussi marcher sur ces traînées, une torche à la main », confie Pierre Perrin dans le chapitre qui suit immédiatement le récit de la mort du père. Les traînées, ce sont « les barbelés » imposés par la mère autour du corps malade du père. Et ce mur d’incompréhension « plus vaste que le désespoir », qui les « a séparés vivants. » Mais, à travers le cheminement des six chapitres qui constituent le livre — et des six rétrospectives en italiques qui s’y insèrent —, Pierre Perrin s’essaie. Il s’essaie par l’écriture à faire reculer ce qui l’enserre. Il s’essaie à recréer l’histoire d’un amour qui se consume dans le naufrage. Il voudrait, par ce livre, « désincarcérer » la mère, afin que morte, elle gagne une liberté qu’elle n’a pas connue de son vivant. Mais il trébuche, convaincu que l’œuvre n’est qu’« un trompe-l’œil » et que rien ne sert de s’illusionner. « Il n’est aucune échappatoire. » Une seule vérité demeure : « Elle est morte sans son fils ». Et les mots qui ont manqué ne sont que des « leurres ». Des « orphelins dans la nuit froide et noire ».
« Ce mieux, que je déterre, est un leurre ; l’oubli est le contraire de ce que je cherche. Je frotte les mots comme des silex ; d’autres peut-être se chaufferont à mon feu. » Et Pierre Perrin de regretter ailleurs : « Nos deux petites lumières se tournaient le dos, qui ne se croiseraient plus. »
Il semble pourtant qu’il y ait eu une histoire d’amour, une promesse de jours heureux et de bonheur palpable à recueillir entre les mains. Le bonheur a-t-il pris fin avec la venue de l’enfant ? Était-il déjà ébréché du temps de l’exil du père en Poméranie ? Cet homme désiré, attendu dans la confiance d’un retour sans faille. Peut-être n’était-ce là qu’un rêve ? Quelque chose a eu lieu, qui a le goût amer de la déception. Et ouvre au sein du couple une blessure que rien ne viendra plus refermer. « Elle comprenait chaque jour davantage que sa longue patience n’était rien à côté de celle qu’elle devrait fournir encore et encore, si elle voulait trouver avec lui la vie presque agréable. »
Il suffit parfois d’un rai de lumière sur les pétales des dahlias d’une balade à vélo sur les chemins forestiers pour entrevoir une paix possible entre les âmes, pour susciter une forme de miracle image d’une tendresse partagée. Où que le fils aille et quoi qu’il fasse, la mère est là, qui le pousse de l’avant : « Comprenne qui voudra, ma mère est devant moi. » Avec son poids de chagrins de désillusions de solitudes indéchiffrables. Avec ce regard triste qui le suit dans sa vie. Jusque dans sa tanière d’écrivain. « Elle est là, derrière ma tête, tout près de mon épaule, mais j’ai beau promener un miroir alentour, il reste vierge et mon souffle, solitaire. »
L’écrivain poursuit son chemin et comme au temps de la petite enfance où il accompagnait son père à travers champs sur Pony, le tracteur rouge, il creuse ses sillons, patiemment, une tranchée après l’autre, repoussant les doutes et les résistances, rejetant « la cotte de mailles » qui depuis si longtemps l’emprisonne ; toujours plus enclin à la méditation qui ouvre à l’écriture des espaces d’« inconnaissable ». « Cela qui valait la peine de se jeter sur la route. » Progressivement, le regard de l’écrivain se déplace, modifiant peu à peu son angle de perception. Pierre Perrin le suggère avec les mots qui structurent sa propre histoire, filant la métaphore des murs et de la porte :
« À force de scruter de l’ongle presque chaque pierre des murs de mon enfance, l’une a dû dans mon dos réveiller je ne sais quel secret ; une porte peut-être oubliée a tourné sur ses gonds… »
Il faut cependant bien du temps encore pour que prenne forme le dialogue du fils avec sa mère ; avant que celle-ci ne se manifeste à lui par-dessus son épaule ; et que le regard qu’il porte sur elle ne gagne en bienveillance :
« J’ai donc, cette année, rêvé, marché, parlé avec ma mère. Elle a répondu, quelquefois, par-delà son silence obligé. »
De cet échange bienveillant et de la réconciliation qu’il inaugure, peut naître l’écriture. Ainsi Pierre Perrin peut-il confier :
« À mesure que s’entrouvre son visage, ma propre voix, dans l’écriture, trouve enfin une consistance. »
Le livre peut désormais filer vers l’achèvement de sa course. Un très beau livre qui touche en profondeur, tant par la qualité d’une écriture très personnelle que par l’exploration sensible des sentiments qu’elle donne à vivre. Et à partager. Une fois le livre fermé, il restera en chaque lecteur « comme un parfum qui s’étiole sans tout à fait mourir malgré la nuit ». Et pour Pierre Perrin, l’assurance de voir son désir le plus cher réalisé : tenir sa mère entre ses bras. « Jusqu’à son dernier souffle. » L’embellie peut se vivre dans la plénitude de la sérénité enfin trouvée. Ainsi du moins le suggère l’excipit du Cri retenu :
« L’air sent la mûre, par endroits la prunelle. Trois troupeaux paissent sur les communaux. Une bergeronnette, tête haute, traverse le chemin qui domine encore la tour du château en ruines. À ses pieds, serait-ce toi qui viens à ma rencontre, vêtue de gris, mais d’un gris que je n’ai jamais vu, presque aussi lumineux que le bleu du ciel ? Tu souris comme aux plus beaux jours. Pour la première fois, je crois que l’été n’est pas près de s’effacer. »
Angèle Paoli, in Terres de femmes, décembre 2015