Gustave Courbet et la colonne Vendôme [fin]
La vérité sur cette affaire du 16 mai 1871, par Pierre Perrin
Le premier procès, au pénal, devant le tribunal militaire
Le procès de Courbet court du 4 août au 2 septembre 1871. « Courbet, inculpé d’attentat, d’excitation et de levée de troupes, d’usurpation de fonctions et de complicité de destruction de monuments, n’est déclaré coupable que sur ce dernier chef. » [Procès des membres de la Commune, compte rendu in extenso des débats du Conseil de guerre, 1871, sur Gallica, p. 477]
Donc, pour « avoir provoqué comme membre de la Commune la destruction de la Colonne », le verdict le condamne « à la peine de six mois de prison et 500 F d’amende ». La somme est de six fois inférieure à l’arrièré de boisson Andler, réglé trois ans plus tôt. Courbet le commente ainsi, goguenard : « ils se sont imaginé que j’étais riche, c’est une idée très répandue, il faut croire que j’ai l’air riche, c’est peut-être parce que je suis gros » [Corr. p. 390]. Plus sérieusement, le peintre écrit à sa sœur Juliette, le 29 septembre 1871 : « Je l’ai échappé belle » [Corr. p. 393]. Son ami rappelle que le peintre disposait d’ « une petite fortune amassée en trente ans de travail » Castagnary, Plaidoyer [p. 73], et juge lui aussi que « La peine était en somme assez douce » [p. 74].
Le même ami donne ensuite son sentiment personnel en ces termes : « La légende, c’est ce qui a perdu Courbet. Il avait eu la fortune de créer un mot, correct d’ailleurs, le mot déboulonner. Déboulonner (qui n’est pas dans Littré) avait eu un succès immédiat. […] Le mot déboulonner s’attacha à lui ; ils furent bientôt inséparables et inspirés. On ne put plus prononcer le nom du peintre, sans qu’aussitôt l’image de la colonne se présentât à l’esprit ; et, réciproquement, on ne put parler de la colonne, sans songer au peintre. […] Qui pouvait avoir déboulonné sinon le déboulonneur ? Aussi l’opinion n’hésita-t-elle pas, et la culpabilité de Courbet fut peut-être le seul point clair dans l’inextricable confusion qui suivit la chute de la Commune. Le conseil de guerre de Versailles, dont la fonction n’était point d’écrire l’histoire, a jugé comme pensait et parlait le public. » Castagnary, Plaidoyer [pages 66-67]. Ces observations sémantiques ne confirment-elles pas, outre la puissance du verbe de Courbet sur l’opinion, le propos de son ex-ami Wey [au début de cet article] ? L’anti-militariste en tout cas a obtenu ce qu’il voulait.
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Tels sont les faits, les gestes, les paroles qu’attestent la Correspondance, les proches, le Journal Officiel, même si « pendant six mois que nous avons vécu avec lui, nous n’avons pu savoir ce qu’il pensait. » Gros-Kost, Gustave Courbet, souvenirs intimes, Dervaux, Paris, 1880 [p. 141]. Cette affaire de la Colonne pose deux questions.
Au plan politique, Courbet précise à Juliette, le 27 août : « Ce gouvernement, en principe ressemblant à la Suisse, […] noie l’ignorance et rend les guerres et les privilèges impossibles » [Corr. p. 387]. Quatre mois plus tôt, « les Versaillais étaient la plaie du monde entier et devaient mourir », peu après avoir noté : « Point de police, point de sottise, point d’exaction d’aucune façon, point de dispute » [Corr. p. 366]. Chacun appréciera les contradictions. La guerre est impossible, sauf contre les Versaillais. Le reste s’entend encore.
Comment effacer que les Français cultivent l’esprit de rébellion ? La moindre injustice les enflamme. Une victime les fait se jeter dans la rue. Dans ces conditions, comment des personnes de bonne volonté, à côté de têtes brûlées parfois analphabètes, prendraient-elles toutes les bonnes décisions, « la tête comme une pomme cuite » ? D’autres, réfléchies, attentionnées, se fourvoient entre des manœuvres d’opinion, s’égarent entre des intérêts contradictoires. Contrairement à ce que Courbet affirmait aux artistes allemands : « La pauvreté est un brevet d’honnêteté ; les riches seuls ont les moyens de voler » [Corr. p. 351], la mauvaise foi couvre l’ordinaire des rapports humains. Si la politique est l’affaire de tous, les apprentis-sorciers conduisent au désastre.
Au plan personnel, une question de responsabilité ne se pose-t-elle pas ? Est-ce que la démolition accomplie le 16 mai, l’idée portée par le peintre et la débâcle s’ensuivant n’auraient pas dévoyé des consciences ? La colonne à terre, tout ne devenait-il pas permis ? Les insurgés ont incendié dès le 22 mai des rues, divers palais, dont celui de la Justice, les Tuileries, l’Hôtel de ville, la Grande Bibliothèque. Est-ce que le peintre – sans le prévoir, à son corps défendant – ne serait pas devenu le boutefeu de la Commune ? La doxa se rengorge de canoniser le martyr.
Peut-on encore exhiber en victime un « Courbet sans courbettes », l’abandonner en pâture aux révolutionnaires ? Ne mérite-t-il pas mieux que le mensonge grossier du persécuté, proscrit, exilé, ruiné ? Le procès au civil pour payer la reconstruction, commencé le 19 juin 74, arrête le 4 Mai 77 la somme de 323 091,68 Francs. Le peintre pourra l’acquitter par annuité de 10 000 F. Le tribunal lui accorde donc trente-trois ans pour apurer la dette. Courbet ne règlera pas le premier centime. Tout au contraire sa participation à la Commune lui vaut « des commandes à n’en plus finir […] j’aurais fait exprès d’être de la Commune que je n’aurais jamais réussi ainsi, je suis dans l’enchantement. » [à Castagnary, Corr. p. 436]. Et à sa sœur, quatre semaines plus tard, 26 avril 1873 : « Nous avons des commandes à n’en plus finir, c’est une centaine de tableaux à faire. La Commune veut me faire millionnaire […] Que mon père se mêle de ses affaires, nous gagnons 20 000 F par mois » x 12 = 240 000 x 5 ans = 1,2 million de Francs de l’époque, avec les seules œuvres exécutées en Suisse [Corr. p. 438].
Pierre Perrin, 24 avril 2021 [auteur du Modèle oublié, Laffont, 2019]
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Avec le soutien financier du Doubs, Gustave Courbet, non au conformisme [Actes Sud juniors, sept. 2019] reproduit les mensonges grossiers d’un « insoumis épris d’idéaux révolutionnaires » [p. 23], que le gouvernement « a tué », « totalement ruiné », se lamentant : « Je ne suis pas coupable, quelle injustice cet exil ! » [p. 40].
Dans un parti-pris de grossièreté, la quatrième de couverture s’honore de : « bousillé […] les chiottes publiques ». Ces termes sont repris de la page 10 qui ajoute l’injure « bordel » ; les pages suivantes : « foutre […] un gros machin ». Les auteurs affectionnent « choper », « se faire choper », « rien à foutre », « merde » et, page 35, « cette saloperie de jugement », etc. Les lecteurs, surtout juniors, ne méritent-ils pas mieux ?
Le titre et le texte incitent à « refuser d’être conforme à ce que la société attend de nous. Il suffit de penser et de décider par soi-même » [p. 75]. Ce « il suffit » trahit l’irréflexion. Comment « penser par soi-même », sans examiner ce que les autres ont débrouillé, sans moyens de comparaison ? En l’occurrence, les auteurs vaporisent à l’adresse des jeunes une idéologie à courte vue. Le peintre « posant le pied en Suisse [brocarde] la morgue des aristocrates qui exècrent le talent parce qu’ils ne le comprennent pas » ? Les Suisses, particulièrement à La Tour de Peiltz, doivent apprécier.
Parmi les mensonges reconduits, Courbet n’était pas sur place le 16 mai [p.12]. En juillet 1873, « on le poursuit encore. On le traque comme un cerf » [p.14]. « On me condamne à payer une somme astronomique que je suis dans l’incapacité de débourser » [p. 33]. La chronologie ne mentionne pas l’existence de Virginie Binet – la « résidence d’écriture à Flagey » proposait en vain Le Modèle oublié. La chronologie indique en revanche que Courbet « participe aux journées révolutionnaires de février 1848 ». Il a lui-même protesté du contraire [Corr. p. 76].
D’autres erreurs entachent cet opuscule : « Le 6 juin 1871, le peintre avait été arrêté et condamné » [p.13]. La justice est expéditive… à ce point ? En juillet 1873 le peintre arrive en Suisse « pour la première fois ». Dès 1853, il a visité à Berne son ami Buchon en exil [Corr. p. 107]. Le chapitre trois laisse entendre que Jo l’Irlandaise est le modèle de L’Origine du monde. Feu Fernier ne s’est-il pas assez ridiculisé avec sa rousse au pubis noir, dans Paris-Match ? On lit aussi un Courbet qui « ne toise personne » [38], pauvre père ci-dessus. Il possède « une pile de brochures et de livres » [44]. Courbet ne lisait pas. Enfin, Proudhon est « l’ami » forcément. Rien de tel qu’un ami pour crucifier de la sorte : « Courbet ne sait ni parler, ni écrire », in Du principe de l’art, 1865 [BNF-Gallica p. 281].
L’épilogue insiste sur la cause de la mort : « la méchanceté des bourgeois, des nantis, des réacs » [p. 65]. La dédicace « aux anticonformistes d’aujourd’hui » parachève l’imposture. [Le Doubs est sous majorité L.R. — P. P. 6 mai 2021]