Le Modèle oublié lu par Migeot, Marchand, Vervoort, Loiseau, de Filippi, Vallée, Boitel, Brantôme, Taillefer, Siganos, Lafont, Tournesac [éd. Laffont, 2019]
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    de Migeot, Marchand, Vervoort, Loiseau, de Filippi, Vallée, Boitel, Brantôme, Taillefer, Siganos, Lafont, Tournesac
    à propos du Modèle oublié, éditions Robert Laffont, avril 2019

    Le Modèle oublié [couverture]« Le modèle oublié a accompagné toutes ces dernières soirées où nous l’avons lu chapitre par chapitre, Judith me faisant la lecture. La lecture à voix haute, et par une voix de femme qui plus est, lui convient tout à fait. Nous avons été très émus par la sensibilité de ton écriture, légère, laconique et pourtant suggestive, pudique et discrètement vibrante. Ta profonde connaissance de la biographie de Courbet (qui est admirable) se remarque à peine. On est invité, puis accompagné à partager les tableaux d’une vie qui devient nôtre. Autre élément très attachant, c’est que tu puisses si bien rentrer dans le regard et les émotions des personnages, particulièrement celles de Virginie. On vit du dedans la douleur de cette femme aussi belle que noble et généreuse, face à un homme parfois cynique et mesquin. Toutefois, cette hypertrophie d’un égo à qui tout est sacrifié ne tourne pas à la charge. Gustave reste notre semblable, notre frère. À propos de Baudelaire, sa présence est très bien rendue, par les portraits – on peut en dire autant pour ceux de Gautier ou Champfleury qui sont remis à leur place –, mais aussi par ses poèmes (Spleen 78, À une passante…) qui apparaissent (parfois incognito) au milieu de ta prose. Bref, cette lecture a été pour nous un profond bonheur et nous voulions te remercier d’avoir écrit un si bel ouvrage.  » — François Migeot, chercheur émérite et poète, courriel, 4 juin 2021

    « Égérie
    À force de complaisance, le temps qui passe en façonnant des icônes peut en arriver à priver les artistes de leur part d’humanité. Comme s’il était inconvenant d’être à la fois homme et génie et nécessaire pour l’artiste de choisir entre l’un et l’autre. Il appartient alors au biographe de faire coïncider la vie de l’homme et l’œuvre du génie. Et bienheureux si l’historien se révèle écrivain. La vérité y trouvera son compte. Le romanesque aussi.
    À propos de Courbet, Pierre Perrin s’y est risqué. Avec gourmandise. Et pour notre bonheur. Chez Courbet, pour l’auteur, c’est le génie qui prime. L’homme, de son côté, se révèle médiocre. Virginie Binet, bonne fille, esprit fin, seins généreux et fessier prometteur a fourni à Perrin la clef de l’intimité du peintre. Il n’y avait pas meilleure introduction. L’amour voué à son idole par cette campagnarde, amoureuse au premier regard de celui qui allait devenir son bourreau, n’est pas une égérie. Elle n’est qu’un modèle oublié.
    Il n’est plus vain que les regrets. Car si son chemin n’avait croisé celui du peintre, elle aurait été à jamais ignorée. Courbet, en la séduisant, lui a fermé la porte de l’anonymat et ouvert la porte de l’oubli. C’est mieux que l’ignorance.
    Le modèle oublié, à la manière de la nouvelle de Maupassant et de l’héroïne d’Une Vie, est le roman d’une vie ratée – même de deux, et trois si l’on ajoute à celle des deux héros, celle d’Émile, l’enfant commun de Gustave et de Virginie.
    On connaissait de Courbet l’exigence. Celle du réalisme en art face au romantisme ambiant, ses relations ambiguës avec Baudelaire, Théophile Gauthier et Champfleury, ses déceptions de n’être pas reconnu comme il estimait devoir l’être, sa production foisonnante et son goût pour les œuvres géantes, sa haine des jurys, de l’Empire, de l’Église, du clergé et de l’autorité, l’affaire de la colonne Vendôme, son opposition aux bourgeois, ses déclarations socialistes et républicaines et ses faveurs pour la Commune.
    On connaissait moins son comportement fuyant, son refus de s’engager et son opportunisme, son attachement à sa famille d’origine au prix du sacrifice de celle qu’il refusera de bâtir avec Virginie, la femme qui lui avait tout donné, et de celui de son fils, son égo démesuré, son orgueil et son ambition sans limite. Courbet est un égoïste prêt à tout pour jouir et être reconnu, mais dépourvu de toute reconnaissance à l’égard de ses proches et de ses relations. Le génie n’a pas d’amis.
    Perrin décrypte une époque et nous sert un Courbet, artistiquement sûr de lui et intransigeant, longtemps incompris mais acharné à être reconnu comme le plus grand peintre de son siècle, socialement puéril, politiquement contestataire, en butte avec ses contemporains et tout ce qui lui résiste. Dans cette perspective, que compte son modèle, fût-elle la femme la plus appétissante et la plus rassurante qu’il pût inscrire à son tableau de chasse ? » — Yves Marchand, Le Livre des visages, 29 Mai 2022.

    « J’ai donc appris que Courbet, peintre innovant de génie, était aussi un homme égoïste, ivre d’orgueil, » un habile homme qui n’était pas des plus grands » selon le mot cruel de Flaubert, que la douce Virginie ne méritait pas d’être oubliée, et que vous êtes un écrivain qui lui rendez justice, vie et hommage avec un style lumineux et affuté. Petite question : l’autodafé pudibond final des esquisses cachées est-il une liberté de l’auteur ou une vérité ? [Commentaire doublé par ce message :] Je viens de terminer Le Modèle oublié et je n’en pense que du bien, comme je l’ai mentionné sur Le Livre des visages ! Style (j’ai apprécié les envolées « leur regard est châtré par des œillères plus longues que leur frac ») , érudition historique, et bien sûr la complexité du personnage, à la fois génial et odieux) Je me suis remémoré avec plaisir le poème percutant d’Hugo, sur l’incendie de la Bibliothèque… que l’on pourrait réactiver à plaisir en ces temps troublés… bravo donc, sincèrement. » Frédérique Vervoort, Le Livre des visages, 21 Mai 2022


    « Quand la petite histoire, qui ne l’est déjà pas, rejoint la grande, que l’œuvre de Gustave Courbet bénéficie d’un tel regard posé sur elle, il ne peut venir à l’esprit que des salves de compliments, d’admiration pour l’exceptionnelle qualité de pareil ouvrage [Le Modèle oublié], tant pour son écriture que pour le voyage à travers le temps qui est offert ici » Sylvie de Filippi [22 août 2021]

    « Avec Le modèle oublié, Pierre Perrin nous entraîne dans l’inépuisable mythe de l’artiste et de son modèle. Le livre campe un Courbet puissant comme un chêne, vigoureusement ancré dans le terroir d’Ornans mais aussi insaisissable voyageur que rien ne retient. Guidé vers la lumière de l’océan comme toute la jeunesse qu’il précède, Courbet remonte cette Seine si maritime pour rencontrer à Dieppe la franche, l’aimante Virginie. Autre paradoxe de l’artiste de n’être rien sans amour et d’être peu fait pour le mariage.
    En peintre de génie, Courbet entreprend de faire nôtre sa vision singulière. Cet homme au savoureux parler franc-comtois puise dans sa lignée paysanne l’audace nécessaire pour faire de sa nouvelle approche une illusion que ses contemporains et la postérité nommeront « réalisme ». Comme l’écrira un peu plus tard Maupassant : « Les réalistes sont des illusionnistes ».
    Pierre Perrin campe la puissance et la fraîcheur de ces jeunes gens qui bouleversent l’art et le monde. Il reconstitue quelques pages saisissantes de l’histoire politique et artistique de ce temps. Subtilement, on sent au fil des pages que le bonheur vivace, sensuel de Virginie et de Gustave fasèye et vacille. Et pourtant ils ont bâti ensemble le foyer solide d’où l’artiste a sans doute construit le meilleur de lui-même. Dans les yeux d’un peintre, l’amour ne dure-t-il que le temps de sa persistance rétinienne ?
    Le peintre est-il l’artiste ogresque qui dévore la chair féminine ainsi que Kamel Daoud l’écrit à propos de Picasso ? (Mais quelle force pourtant émane de ses portraits de femmes dans lesquels en dépit des géométries déconstruites et des lignes toujours en métamorphose du peintre on reconnaît parfaitement chacune de ses amoureuses ? Chaque tableau est un manifeste de l’amour et célèbre la femme qui le fait exister. La femme modèle s’enivre d’être ainsi célébrée à ne plus pouvoir se passer de ce double fantasmé.) Ce sont les réflexions que Le modèle oublié suscite et nourrit.
    Pourtant Virginie droite et sincère est mère attentive avant tout… Mais il ne faut pas ici tout raconter. La belle langue de Pierre Perrin entraîne tout d’un flux. Le parler vigoureux de la terre, le langage fantaisiste, libertaire, puissamment affirmé d’un grand artiste, parfois homme médiocre, les volte-face du philosophe Proudhon, les saillies déconcertantes de Baudelaire, compagnons aussi proches qu’inconstants. Le discours narrativisé, les dialogues, la langue pittoresque de l’écrivain sont d’un souffle et l’on passe toutes ces strates du récit d’une vie au rythme implacable de la volonté de puissance d’un maître de la peinture qui ne comprendra que trop tard la part féminine essentielle en lui de l’art et de l’amour. » — Yveline Vallée, Fb, 13 janvier 2022

    « Roman biographique très documenté qui plonge le lecteur non seulement dans la vie de Courbet mais aussi dans le contexte historique de son époque. Très intéressant et écrit avec ce style qui est le tien, très personnel. Je remarque en passant que, comme je l’avais déjà noté, tu excelles dans l’érotisme amoureux. » — Claire Boitel, Fb, 13 janvier 2022

    « Je l’ai bien aimé aussi, votre récit. Outre ce tempérament de feu qu’était Courbet, y croiser l’histoire, et l’adoré Baudelaire, c’était bien plaisant. » — Valérie Brantôme, Le Livre des visages, 8 février 22

    « Gustave Courbet, le paradoxe
    Le Modèle oublié Pierre Perrin nous ouvre en grand les pages d’une époque du XIXe siècle. On traverse ces années, de 1841 jusqu’à la mort du Maître peintre, ce 31 décembre 1877. C’est là que se trouve la force et la richesse de ce livre passionnant. Courbet est un paradoxe à lui tout seul. Il y a chez cet homme, cette faiblesse, cette lâcheté, cet orgueil démesuré, cette recherche absolue de la réussite dans l’art, sa place dans la société, sociale et politique, mais il y a l’envers du décor. Un homme aimant, un éternel amoureux tourmenté. Un homme du peuple qui peindra toute sa vie durant avec un réalisme d’une extrême modernité, la vie des humbles, des pauvres gens. C’est un homme déchiré, meurtri, traversé par des drames qui jamais ne se refermeront. La mort de son amour controversé et pourtant exceptionnel, parfois lumineux, de Virginie Binet, la perte de ses enfants, le petit Émile ce garçon qu’il ne reconnaîtra jamais (par conviction d’une morale bien ancrée, que l’on ne peut accueillir au sein de la famille un marmot né hors mariage). Courbet terminera sa vie rongée par le remords. Dans un état d’obésité morbide. L’artiste côtoya le quota des éminences de ceux qui marquèrent l’univers de la création de son vivant. Baudelaire, Proudhon, Champfleury, l’ami de tous les jours, des bons comme des mauvais. Victor Hugo, Balzac… Il fut l’ami des riches, souvent par nécessité financière. Reçu et hébergé par de nombreuses familles de la haute bourgeoisie européenne. Il fut adulé, bafoué, trahi, reconnu de son vivant comme l’un des plus grands. Lui-même n’avait cessé de le proclamer.
    Ce que m’a procuré cet ouvrage, c’est ce besoin irréversible de découvrir ce peintre que je connaissais mal. De me poser dans les traces de ce monumental travail pictural, de visiter les œuvres, toile après toile enjambant ainsi les pas des écrits de Pierre Perrin. Je vous souhaite de lire ce livre et d’y trouver tout le bonheur de lecture que j’ai ressenti au fil de ces pages. » — Richard Taillefer, poète, statut sur Le Livre des visages,16 avril 2022

    « Votre Modèle oublié se dévore en quelques heures, d’une traite, tant il est alerte dans sa narration, et sans doute parce que vous avez su trouver un angle d’attaque original pour un Courbet dont vous avez su camper les défauts majeurs, les revirements affectifs, l’enivrement d’une gloire naissante, la cupidité, la lubricité (quel art de la scène scabreuse !).  Rien ne vous rebute dans les détails les plus réalistes de la vie quotidienne de l’époque : d’une certaine façon, vous voici peintre vous aussi, appuyé sur une documentation solide comme l’atteste la bibliographie. L’environnement historique, pour ceux qui l’auraient oublié, est suffisamment précis pour donner à l’ensemble une perspective plus large que la seule vie de l’artiste dont vous montrez, avec soin, l’environnement social. Vous excellez aussi dans l’étude psychologique, rendant Virginie Binet extrêmement attachante. Par un habile contraste, vous savez aussi attirer la sympathie sur un artiste totalement antonyme, à presque tous les points de vue, (Graillon) et l’on se pose avec vous la question que ne se pose jamais Courbet, l’éternelle question « qu’est-ce que l’art ? ».
    Bref, on aimerait de vous un Baudelaire de la même eau !
    Si je devais vous citer, ce serait, pour sourire :
    « Le développement des voies ferrées va bon train »
    « L’injustice la cloue vive sur la porte de la solitude »
    « Leur regard est châtré par des œillères plus longues que leur frac ».
    Enfin, une question de pure curiosité : la lettre d’Émile à son père est-elle de vous ? Si c’est le cas, je la trouve plus belle encore, donnant à Émile une grande noblesse de sentiments.
    Avec mon meilleur souvenir » — André Siganos, courriel du 29 avril 2022

    « C’est bien cela, oui, votre livre... Une découverte étonnante de cet esprit libertin, sans retenue des mots d’une époque que l’on aurait cru plus réservée, une découverte étonnante de Courbet et surtout de Virginie, libre de tout, une insouciance comme seuls certains artistes peuvent en avoir. Une course à la gloire effrénée qui permet tout. Une très belle peinture grâce à vos mots transformant tout, je n’aurais pas trouvé mieux... Un gd plaisir à vous lire » Élisabeth Lafont, Le Livre des visages, 29 avril 2022

    Dans Le Modèle oublié (2019), Pierre Perrin peint un Courbet sans courbettes mais plein de galipettes, sacrifiant tout à son art, dans un mixte de courage et de veulerie, son métier d’homme et de père. Portrait réaliste du maître d’une école éponyme, origine du monstre – de celui qui montre – et du monde de poudre et de fièvre que fut ce XIXè siècle intranquille, on y voit Baudelaire accompagné de sa fleur vénéneuse Jeanne la Métisse aux privautés si gaillardes, et Balzac mourir trop jeune, épuisé par l’humaine comédie ; les trahisons, l’argent, la gloire, la beauté sans doute et l’amour rarement, sauf celui sacrifié de Virginie, l’héroïne de ce livre, compagne cachée et finalement abandonnée, et de son fils Émile, orphelin rousseauiste d’un père pourtant vivant mais sans aucune mesure, au génie débroussailleur qui n’a d’autre alibi que son art éclaireur. « Il n’entre guère en lui-même, nous dit Pierre Perrin, où gît le mal. » Dans les plis ébouriffés de ce livre, carte où s’entremêlent le secret et le sacré, les corps de la Création et la création des corps, le sacrifice et le sacrilège, toute l’origine d’un monde qui ne pourra être ici montrée en dehors de quelques mots drapés, si l’on ne veut encourir la censure d’un hôte aux pudeurs bien sélectives. — Laurent Tournesac, 20 juillet 2023

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