Splendeur et misère des modèles oubliés
à propos du Modèle oublié, éditions Robert Laffont, avril 2019
Tous les musées regorgent d’œuvres très connues et qui valent des fortunes. Tous les musées sont fiers de « posséder » tel ou tel tableau. Des conférences, des tables rondes, des biographies, des ventes aux enchères spectaculaires, des pages et des pages dans la presse écrite. Des reportages, des interviews, des émissions entières autour de ces œuvres. Autour de celui qui « a fait l’œuvre ». Et il se fête le centenaire, le bicentenaire… et tout un marché d’art « boursicote » avec la côte de tel ou tel artiste.
Mais un terrible trou de mémoire, trou d’oubli, entoure ces femmes qui ont été les modèles de ces tableaux, de ces sculptures. Personne ou presque ne s’en souvient vraiment. Parfois il reste un surnom. Parfois on entend « ah oui, la courtisane »…parfois on sait de qui il s’agit et pourtant elle reste une « inconnue ». Ces femmes, ces modèles n’existent qu’en fonction de l’artiste. Comme sorties encore aujourd’hui « de la côte d’Adam ».
Je reçois souvent des revues d’art. J’ai la chance d’être invitée à certaines conférences, à certains dîners de mécénat aussi. Invitée à des expositions privées ou des avant-première – on se calme, c’est dans le cadre de mon travail. Je me suis mise depuis quelques jours à reprendre un peu les cartons d’invitation ou les courriers reçus en ce sens. C’est toujours du sculpteur, du peintre qu’il s’agit. C’est lui qui est « coté ». C’est lui la célébrité. C’est lui le talent reconnu. C’est lui que « l’on vend, achète, honore ». Jamais son modèle ! Parfois on retrouve un prénom « accouplé » car le modèle est « le motif » de l’œuvre.
Alors je me suis amusée à demander à des personnes « qualifiées », en montrant quelques photos de modèles connus, si elles savaient le nom ou simplement le prénom de cette femme modèle. Les réponses vont étonnantes : « la putain de…, la maîtresse de…, la toquarde, la moche, la belle…, celle qui a tant pleuré d’être remplacée… » Bien sûr certains savent. Ils donnent le prénom, le nom, la date de « pose », etc. Ils donnent ces informations presque en télex…comme une leçon apprise pour mieux vendre, pour sembler un peu plus au courant. Très peu d’empathie. Très peu de mots qui laissent penser que cette femme, que ce modèle était autre chose qu’un « détail » dans l’œuvre.
Les modèles en sculpture, en peinture surtout sont oubliés. Les modèles ne vivent pas. En littérature, la muse a plus de chance parfois. Comme si le poète, l’auteur l’avait consacrée (par toutes bien sûr). De même au cinéma. De même dans la danse. On dirait qu’elles prennent corps… Alors que là même où elles sont « corps », elles sont oubliées. Elles sont dans cet étrange « visible invisible » de l’œuvre. Bien sûr, je ne peux m’empêcher de penser au Modèle oublié de Pierre Perrin. De penser à Virginie Binet.
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- C.-M. Lorent et J.-F. Solnon lisent Le Modèle oublié de Pierre Perrin [Laffont]
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- Gustave Courbet, le géant de génie, in Franche-Comté, 1999
Le Modèle oublié est un très beau roman. Certes il parle de Gustave Courbet, d’Ornans, de La Commune, de cette part d’Histoire qui traverse l’histoire. Il y a des noms célèbres qui traversent aussi… mais le vrai personnage, la vraie personne, le centre de l’histoire, l’écharde… c’est Virginie Binet. Elle est époustouflante d’amour, de lucidité, de modernisme, Virginie Binet. Voilà un livre qui est pour elle. Un livre où elle est le personnage principal. Comme dans les toiles de Gustave Courbet. Là où elle est le motif principal. Sans elle, la toile perd sens. Ou alors il faut réinventer l’histoire. Dans L’Homme blessé [1854] Courbet la remplace par une tache de sang. Toute une dramaturgie dans ces deux toiles. Dans la première du temps heureux [1844], la tête aimée dormait au creux de son épaule ; dix ans après, cette tache de sang la remplace. Le « repentir » du peintre est étudié, décortiqué, loué dans son génie, mais Virginie Binet ne fait que passer dans ces « louanges ».
Toujours à partir du livre de Pierre Perrin, j’ai demandé dans la rue à quelques personnes si elles connaissaient Gustave Courbet. Presque toutes savent au moins qu’il a peint L’origine du monde. D’autres savent beaucoup plus. Pourtant quand je demande si elles connaissent Virginie Binet, c’est un peu comme une question piège. — C’est une actrice ? — Ah oui, elle est dans Copains d’avant. — Je crois que c’est un modèle — Elle est dans des peintures de Gustave Courbet. Mes parents ont assisté à une conférence sur Courbet. Elle a eu de la chance d’être remarquée par Courbet.
J’ai tenté également « ma foire à la question » auprès de mes amies très engagées dans la lutte pour les femmes. De toutes les femmes. De celles aussi qui ont vécu avec des « génies » et que l’on a oubliées. Les compagnes de musiciens, de savants, de poètes, de cinéastes, d’hommes politiques restent connues. Au moins un prénom ou juste une attitude, mais on se les rappelle… Les modèles… si peu ! Comme si la mémoire fanait avec le temps. Fanait comme ces corps que le temps a attaqués, même jeunes. Un modèle souvent ne doit pas « vieillir ». — « Marina, Marina, ces étoiles qui croulent… les amants ne devraient pas en savoir trop sur leur propre destin ». Combien Rilke a raison ! Combien les modèles aussi ne devraient jamais assister à leur propre déclin. Nous aussi, nous ne devons jamais assister à la misère de leur oubli…
Et quand un auteur prend la peine de leur redonner « vie », nous avons responsabilité, à notre tour, de les ramener au centre de l’histoire. Que nous soyons lecteurs, témoins, en charge de tout ce qui touche à l’art et la notoriété de celui qui d’un coup de pinceau les a fait exister et d’un autre coup de pinceau les a « effacés ». Certains penseront que c’est une façon détournée de parler encore du Modèle oublié de Pierre Perrin aux éditions Laffont. J’assume ! Car avant je n’avais pas cette sensibilité envers les modèles oubliés. Peut-être aussi, parce que la splendeur et la misère des modèles est un sujet bouleversant. Peut-être, parce que j’ai retenu avec grande émotion ces mots en début du roman de Pierre Perrin : « Le soleil s’inquiète-t-il des moucherons qui sont dans ses rayons et qui vivent de lui ? ils restent tant qu’ils peuvent, et, quand il disparaît, ils meurent. » Balzac, Le Lys dans la vallée (1836)
Là aussi, il y a le terrible d’une « ténacité » jusqu’au bout… jusqu’à en mourir
Jeanne Orient, statut du 17 mai 2019 sur Le Livre des visages