Avis de Patricia Suescum après lecture du Modèle oublié, Robert Laffont, 2019
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  • Lecture de Le Modèle oublié, roman
    à propos du Modèle oublié, éditions Robert Laffont, avril 2019

    Le Modèle oublié [couverture]Cher Pierre, J’ai, hier, dévoré votre livre. C’est une remarque qui revient très souvent, elle est vraie et justifiée.
    L’immersion est totale en deux pages. Cela vient probablement de la qualité de votre écriture, extrêmement fluide et parfaitement compréhensible, avec ce qu’il faut de rigueur et de raffinement du langage.
    Une toile de fond, un décor planté, une mise en scène… c’est un peu comme au théâtre, on attend l’entrée des artistes et l’on savoure le spectacle. (Je note ici, que vos recherches contribuent fortement à la structure du texte, rien n’est laissé au hasard, on se repère très facilement d’un point de vue historique.)
    On accueille naturellement les personnages, ils vont et viennent, vivent de grands moments et disparaissent tout aussi simplement (brutalement) que dans la vie. (J’ai évidemment adoré croiser Baudelaire, entendre parler Gautier et Hugo et vivre au rythme d’un XIXème siècle agité.)
    Bien et ensuite… (pour moi)


    Les personnages sont tout en substance, très vivants, très humains. Ils nous renvoient à nos propres existences, à nos propres interrogations.
    Le processus de création, la place que l’on laisse à celui-ci, le positionnement de chacun face à l’orgueil, à l’objectif de réussite, à l’ascension sociale, aux sacrifices consentis, aux choix moraux, aux directions que l’on prend ou non.
    J’étais tantôt Courbet, dans son abnégation (égoïste mais particulièrement productive), dans son aveuglement, dans ses certitudes, dans ses violentes exaltations, dans l’art pour l’art avant tout autre chose, dans l’impossibilité de vivre autrement…
    J’ai eu de la considération pour Virginie, j’ai ressenti sa solitude, j’ai compris son engagement auprès de ce grand amour. Est-ce un destin sacrifié ? Je ne sais pas, il y a un vrai choix, une vraie compensation, je pense, à vivre auprès d’une telle force créative, elle aurait pu, certes, avoir une existence plus paisible, mais le voulait-elle, se serait-elle contentée de cela ? Je ne sais pas...
    Je me suis également retrouvée dans Pierre-Adrien Graillon, par sa naissance, ses petites victoires (bien grandes en réalité), dans cette sorte de soumission non passive, dans cette lente et relative ascension, dans cette fin silencieuse… mais toute disparition ne l’est-elle pas ?
    Deux questions essentielles…
    Un grand artiste est-il un grand homme ?
    Je voudrais croire que oui, mais ce serait méconnaître l’âme humaine dans son ambivalence où la grandeur et la bassesse se côtoient par essence. Rien ne peut être lisse, il faudra faire avec jusqu’à la nuit des temps.
    Que reste-t-il d’une existence ?
    Peut-être rien, peut-être beaucoup, un écho lointain, un souvenir qui tend à s’effacer, des sentiments entretenus par les vivants, dans le meilleur des cas.
    Mais que cela ne nous empêche pas de vivre, de vivre pleinement car c’est bien là notre trésor, une durée de temps défini, offerte malgré tout. La vie est un Présent anéanti, il suffit de l’accepter, mais pour l’accepter, une vie ne suffit pas.
    Voilà, Pierre, j’ai adoré votre livre.

    Patricia Suescum, courriel du 22 avr. 2019 à 07:38

    Patricia Suescum a publié L’Étreinte du vide, suivi de Je suis la nuit. « Je me noie de l’intérieur », écrit-elle, parce qu’elle a des peurs pérennes qui surgissent, peut-être, de l’enfant en elle qui refuse de mourir. Mauvaise herbe vient de paraître aux mêmes éditions Rafaël de Surtis. Trois extraits dans la revue n° 15. Elle publie aussi dans la revue Les Hommes sans épaules.

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