Lecture de Chants Soizic, in Le Livre des visages
suivie d’un commentaire par H.-P. Rodriguez
à propos du Modèle oublié, éditions Robert Laffont, avril 2019
J’ai terminé hier la lecture du Modèle oublié de Pierre Perrin. Je le répète : Lisez le ! Henri-Pierre Rodriguez a raison d’écrire que ce roman traite de la condition de la femme au XIXème siècle, condition pour le moins terrible. Ce roman est un portrait et un portrait permet à son auteur d’aller plus loin et plus profond dans l’analyse. Grâce à une fine capacité d’analyse, l’auteur nous donne les outils pour nous permettre précisément de réaliser notre propre analyse.
Courbet pratique la politique de la terre brûlée. Il amasse certes mais rien ne peut survivre sur son passage. Aucune réflexion vraie chez cet homme, hormis commerciale, aucune trouée de lumière. L’avidité détruit tout. Sans doute j’ai pensé à Balzac en lisant Pierre Perrin. La bestialité rapporte visiblement bien davantage que la profondeur. L’orgueil, porté à son paroxysme, flatte l’ego d’autrui. Le peintre finira très riche mais dépossédé de tout puisque de l’essentiel : l’amour.
Qu’est-ce que le succès ? On peut s’interroger. Courbet me fait songer aux paysans qui pratiquent l’agriculture intensive. Car c’est un paysan. Ils sont très riches et détruisent totalement la terre. Lui aura gagné une postérité, qui ne vaut que pour les hommes, et aura brûlé son cœur et son âme et ceux d’autrui. J’ai souri à un trait d’humour vers la fin, alors que Courbet est en prison à Sainte-Pélagie : « Pour hâter sa sortie, il fait valoir une nécessité qui n’est pas sans fondement. Des hémorroïdes le vrillent depuis l’adolescence, à quoi s’ajoute un rétrécissement intestinal. » Je pense que Pierre Perrin s’est amusé ici, mais nous montre effectivement le caractère de l’homme. Il avait des diamants dans les doigts, il n’a su en faire que des cailloux !
Bravo, bravo à Pierre Perrin, pour ce travail admirable à la fois pour la narration, le récit et le travail de recherche. Courbet a bien joué Faust pour s’être pris pour Dieu lui-même. Pierre met en exergue ses traits de caractère avec une précision formidable. Quelle terrible famille que la famille Courbet ! On se demandera cependant si la place prépondérante des sœurs de Gustave dans sa vie n’a pas été l’objet de son échec affectif ? Et notamment l’une d’elle « confite en dévotion », de cette sorte de sorcière qui joue les madones… Quelle fut la relation de Courbet à sa mère ? Ayant rejeté son père, peut on considérer qu’il a rejeté son fils afin d’éviter que celui ci ne le rejette ensuite ? Ou bien parce qu’il ne supportait pas l’image du père ?
Mais il semble que tout simplement Courbet n’était amoureux que de lui-même, et par conséquent incapable d’aimer. Au moins aura t-il laissé une œuvre considérable ; Pierre Perrin, quant à lui, un excellent roman. J’ai songé à ce vers de Baudelaire : « ses ailes de géant l’empêchent de marcher » concernant le poète prince des nuées, mais ce vers s’applique également à Courbet.
Chants Soizic, in Le Livre des visages, 11 juillet 2019
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Voila une lecture bien passionnée, chère Soizic Chants. Je pense, encore une fois, que la connaissance du contexte de l’époque devrait prémunir contre toute interprétation avec des yeux d’aujourd’hui. C’est ma vision d’historien. Comme je disais dans mon billet ce n’est pas tant le mépris pour sa concubine qui rend Courbet odieux, car alors la quasi-totalité des hommes du XIXème siècle le seraient, du polygame assumé Victor Hugo à Zola pour ne citer qu’eux. En revanche je responsabilise totalement Courbet pour son conformisme social étonnant compte tenu de son positionnement idéologique, ainsi que pour sa rapacité et son arrogance.
Quant à Virginie, je la pense moins responsable de son destin que ne le dit Pierrette, le modèle aurait pu être bien plus que la femme de l’ombre du peintre, elle s’est aliénée par amour pour un homme et s’est « libérée » par amour pour son fils. En fait Virginie est le négatif de Courbet, si lui « réussit » c’est par amour pour lui ; si elle sombre, c’est parce que son amour est essentiellement oblatif. Il y a dans l’histoire de ce couple plus de déterminisme social que de destin à proprement parler… Il n’en reste pas moins, chère Soizic que ton ressenti, comme celui de Pierrette et certainement le mien et bien d’autres disent autant sur nous que sur l’oeuvre. Comme toute création, celle de Pierre est une auberge espagnole dès lors qu’elle est livrée au public, chacun y apporte ce qu’il porte. Mais nous avons tous vibré à cette lecture et partagé nos vues complémentaires, c’est formidable. — Henri-Pierre Rodriguez, commentaire le 11 juillet.