Pierre Perrin, L’espace d’une vie
notes en cours d’écriture [prépublication à titre d’exemple]
De l’écriture
Le cerveau relève de la machine infernale. Il produit de jour, de nuit, allongé, debout, la tête à l’envers. Qui ne connaît l’insomnie ? Les rêves, l’esprit de l’escalier fournissent d’autres brèches sur l’activité psychique. Le cerveau produit sans cesse ; mais que produit-il ? Le café du commerce et son avatar électronique, Le Livre des visages, moquent assez la culture. La grande culture, comme la nommait Steiner, reste à la marge. Quel est donc le combustible dont se gavent les neurones ? Le paysan se faisait terre, herbe grasse ou sèche, eau, ronce et pierre coupante, en toute saison jusque dans l’alcôve, quand bien même sa belle le ravissait et réciproquement, qui multipliait son potager. Les enfants se faisaient par caresses, par défaut ou par surcroît. C’était encore un tour du cerveau. Le maçon tirait le cordeau, levait le fil à plomb, affinait les arches, les croisées, les meneaux. Le menuisier chevillait les arbalétriers à l’arête des plus hauts poinçons. L’écrivain, lui, marche au palimpseste, funambule sur un malheur enfoui. Il sanctifie ses réminiscences. Il invente moins qu’il ne croit ; il réinvente, encore que l’amour de la langue le porte à l’inédit, à l’inouï. Il réfléchit ; il raconte. Il entretisse ès qualités la caresse et la cravache. Il frappe ses formules comme autrefois la monnaie. L’écriture offre ce côté royal. C’est pourquoi elle enchante aussi bien celui qui la crée, non sans enrager parfois, que le lecteur qu’elle attendrit. Mais pour tresser le mot juste, attiser l’évidence, convaincre ou à tout le moins persuader, trouver la simplicité dans l’émotion sans quoi rien ne se fixe dans une mémoire, l’écrivain doit approfondir sans cesse sa recherche. Les relectures l’emportent sur le jet. Le premier état vite oublié, la correction, l’ajustement même s’effacent encore, et encore, devant l’accomplissement nécessaire. La page à moissonner ne vaut que séchée, tamisée, levée. Si j’étais poète, je réduirais ici l’écrivain à un alambic. Seul compte l’alcool pur qu’il distille.
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- Ève de Laudec lit Le Modèle oublié de Pierre Perrin [statut du 17 mai 2019]
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- Denis Billamboz lit Le Modèle oublié de Pierre Perrin [note du 8 mai 2019]
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- Jean Pérol lit Le Modèle oublié de Pierre Perrin [note des 25-26 avril]
- Patricia Suescum lit Le Modèle oublié de Pierre Perrin [courriel 22 avril]
- Jean-Michel Delacomptée lit Le Modèle oublié de Pierre Perrin [2 courriels]
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- Dix retours.1 sur Le Modèle oublié, roman de Pierre Perrin, éd. Laffont, 2019
- Isabelle Brunnarius, article sur Le Modèle oublié repris de son blog La Loue
- Alain Nouvel lit Le Modèle oublié de Pierre Perrin [roman, Laffont, 2019]
- C.-M. Lorent et J.-F. Solnon lisent Le Modèle oublié de Pierre Perrin [Laffont]
- Des informations sur la page Fb consacrée à Gustave Courbet
- Gustave Courbet, le géant de génie, in Franche-Comté, 1999
On pourrait m’objecter : alors pourquoi faire revenir à la conscience du maître-peintre d’Ornans Virginie Binet et les autres ? La postérité s’était fort accommodée de l’absence de ses amours jusqu’ici. C’est que nous sommes tous pour le moins binaires. N’avons-nous pas deux yeux, deux bras, deux jambes, deux hémisphères dans le cerveau ? Et, dans le même temps, focalisés sur un point, nous oublions sur l’heure son versant contraire. Mais l’objection ne manque jamais de resurgir et de nous tirer par la manche. Donc, quel que soit le degré de perfection vers lequel nous tendons, quelle que soit l’honnêteté apportée à notre démarche, l’essentiel nous échappe presque toujours. Ce défaut involontaire, ce manque de surplomb qui nous caractérise alimentent pour une part, peut-être, notre sens du sacré. C’est parce qu’aucun homme ne peut être Dieu qu’un Dieu hante les esprits. Si je m’égare encore, qui le dira ?
Pierre Perrin, avril 2019